Premier film d’ouverture du festival de Cannes 2025, mais aussi premier long-métrage d’Amélie Bonnin (tiré du court-métrage du même nom de 2021). Ma note ne reflète pas nécessairement mon indulgence : en réalité, j’ai plutôt foi en Amélie Bonnin et sa capacité à faire un bon film. Il y a dans « Partir un Jour » de vraies scènes qui auraient pu être splendides et pleines d’authenticité si Amélie avait eu un peu plus de jugeote sur la façon de filmer ses acteurs. J’aurais pu être sincèrement ému.
L’histoire n’est pas forcément intéressante. On suit Cécile, jeune femme enceinte, patronne d’un restaurant gastronomique, qui retourne chez ses parents, eux-mêmes tenanciers d’un restaurant routier. Le domaine de la gastronomie aurait pu être beaucoup mieux exploité pour opposer Cécile au reste du casting prolo. Déjà, l’une des premières scènes où l’on voit Cécile, elle mange des Dragibus. C’est intéressant : elle cuisine des plats raffinés, mais elle ne consomme que des produits archi-sucrés industriels ? Idée visuelle intéressante, qui me conforte dans la capacité de Bonnin à faire de la mise en scène. Sauf que, bon, Bonnin nous prend pour des débiles profonds et appuie lourdement son idée par les dialogues : « Un Dragibus ? » de Cécile, ou encore « Je te vois bouffer plein de sucreries, t’es enceinte ? » de son père. Quelle erreur ! Laisser le spectateur penser par lui-même et comprendre, c’est la base. Là, non seulement tu casses ton idée visuelle, mais en plus, tu la justifies par une excuse « réaliste » qui n’est que peu intéressante. Elle ne mange plus un Dragibus parce qu’elle ne se sent pas à sa place dans la haute société, ou parce qu’elle regrette inconsciemment d’où elle vient ou quoi. Non, elle mange des Dragibus parce qu’elle est enceinte. Nul.
D’ailleurs, ce n’est pas la seule fois que Cécile a la belle excuse de la femme enceinte. Dans le film, Cécile n’a pas de défauts : si elle est désagréable, si elle va trop loin ou que sais-je, c’est à cause de son statut de femme enceinte. Et c’est irritant. Ce n’est pas forcément inintéressant de suivre un personnage sans défauts, mais dans ce contexte précis, je ne peux m’empêcher de voir un self-insert de la part de la réalisatrice. Typiquement, à chaque dispute qui survient dans le film (notamment sur le fait que Cécile devrait ou non garder son enfant), elle n’a jamais tort, même pas un peu. Les pas beaux, ce sont les autres, et moi, j’ai raison. C’est très peu intéressant.
Je e à chaque fois sur la mise en scène d’une pauvreté assez affligeante, où la caméra barbote entre les acteurs sans réellement savoir ce qu’elle fait là. Dans 90 % des cas, la caméra ne sert à rien. Même dans les moments chantés (oui, c’est une comédie musicale, j’y viens), la mise en scène est pauvre au possible et ne fait que sa fonction d’outil, sans être un prisme artistique.
Et oui, le film est une comédie musicale. Ça aurait pu être une bonne idée, si Bonnin n’avait pas eu la fâcheuse idée de ne mettre que des chansons françaises populaires qui, soit ne reflètent pas l’état d’esprit réel des personnages, soit collent trop et nous font sentir que le film a été rafistolé pour coller à ces chansons (typiquement, Cécile s’appelle ainsi à cause de la chanson « Cécile, ma fille » de Claude Nougaro, et le film porte le nom d’une chanson du même nom).
Je e aussi sur la romance, qui aurait pu être intéressante, mais qui se résume à : « mon crush de collège, il était trop bien ». Les deux sont mariés, ont une vie à côté, s’embrassent, mais aucune répercussion. Même ça, ce n’est pas un défaut chez Amélie Bonnin : de toute façon, c’est la faute de son mec et de son père. Je caricature un peu, mais c’est vraiment le ressenti que j’ai eu en regardant son film.
Pourtant, malgré tout, je dois quand même saluer la direction d’acteurs d’Amélie Bonnin, qui, pour le coup, sonne vrai et est vraiment chaleureuse. Même Juliette Armanet, qui est là juste parce qu’elle sait chanter, joue bien — car oui, les chansons sont vraiment chantées par les acteurs et c’est parfois assez faux, pas terrible.
La scène de la soirée avec les anciens amis de Cécile sonne vraie du début à la fin. C’est la meilleure scène du film : c’est chaleureux, la chanson de Céline Dion a parfaitement sa place, et elle aurait pu être magnifique si Bonnin avait eu l’idée révolutionnaire de filmer ces joyeux lurons ensemble et pas en champ-contrechamp (il faut croire qu’on n’apprend qu’à faire ça en école de cinéma).
La réalisatrice a du potentiel, elle peut produire une œuvre intéressante si elle évolue (et n’écrit pas le scénario). Malheureusement, je ne saurai vous conseiller ce film, trop imparfait. Tout ça me rend curieux de voir le court-métrage (aussi réalisé par Amélie Bonnin) duquel est tiré le film, pour voir s’il porte les mêmes défauts.