Mort de quelques pourris

Polar de Lautner réalisé en 1977 sur un scénario de Michel Audiard qui place le contexte dans certaines hautes sphères de la société gangrénées par la corruption. Un homme, Serrano, est tué et voilà que tout ce monde s'agite car un cahier bien compromettant a aussi disparu … On sait que c'est Philippe, député, tenu par les couilles par Serrano qui l'a tué. Xav, le copain de toujours, va tenter de l'aider et de sauver les meubles.

Contrairement au roman, le film élude beaucoup le é de Xav et de Philippe ainsi que leurs activités plus ou moins légales. On aurait même l'impression que, si le député Philippe est bien compromis dans diverses affaires louches, il n'en est rien de Xav qui s'occupe d'affaires, semble-t-il, suffisamment propres pour n'avoir pas à craindre les services d'un maître chanteur. Seule sa fidélité à son copain le fait agir.

Bien sûr, un esprit affûté aura sûrement remarqué que l'action du film se déroulait avant 1977 et que cet état de corruption avancé au plus haut niveau du pays n'aurait, heureusement, plus lieu d'être dès 1981 …

Lors de la critique du roman éponyme de Raf Vallet, j'avais dit que le personnage principal de Xav était tenu par Alain Delon et qu'on ne pouvait se défaire de l'image de l'acteur pendant la lecture du roman. Effectivement, le personnage lui va comme un gant (taillé pour lui) : un ange exterminateur, écœuré par cette corruption galopante, au-dessus de la mêlée, devenu le point focal de tous ces "grands" qui ont construit des empires financiers, brusquement menacés par les informations patiemment collectées par le personnage véreux Serrano.

Et c'est d'ailleurs le point intéressant du film qui voit défiler ces hauts personnages, ces gens qui tirent les ficelles et s'appuient sur des seconds couteaux.

Je trouve d'ailleurs le choix du casting plutôt astucieux.

Tout en haut de la pyramide, un étranger, intouchable, un prince des affaires en grand, un philosophe de l'argent roi. Klaus Kinski qui traine, officiellement, une morgue et un mépris pour ces petits magouilleurs susceptibles de créer des vagues …

En haut aussi, à une hauteur pas très bien définie, François Chaumette, l'homme qui tire les ficelles, celui qui ne parle en ne disant rien mais en pensant (tout haut) beaucoup. Etant donné, la dominante des rôles dans sa filmographie, son regard très travaillé faux comme un jeton…

Un peu plus bas, les seconds couteaux brillamment représentés par un très convaincant Julien Guiomar, qui respire la combine…

Puis les victimes consentantes, mouillées jusqu'à l'os, comme Maurice Ronet dans le rôle du député.

Face à eux, deux flics, Jean Bouise et Michel Aumont, tentent d'exister entre ces gens-là et une hiérarchie aux ordres (des mêmes). Obligés d'avaler parfois leur chapeau.

Dans les rôles féminins, seule Stéphane Audran me semble tirer son épingle du jeu dans son rôle très chabrolesque. Ornella Muti et Mireille Darc n'ont que de petits rôles. Le roman me semble accorder plus de place aux femmes dont, en particulier, la fille de Serrano, inexistante ici.

En conclusion, film très regardable au moins pour l'interprétation de personnages hauts en couleur mais aussi pour la musique de Philippe Sarde dominée par le saxo de Stan Getz.

Seule la dernière phrase prononcée par un Delon plein de dédain me parait être inutile et inappropriée par un fond de moralisme de bazar. Une fausse note qui coûte un point.



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le 5 juil. 2023

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JeanG55

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