Je Cruise en dieu

Deux mois après les événements du volet précédent, le monde est en train de sombrer dans le chaos. L’Entité est en train de prendre le contrôle des arsenaux nucléaires de toutes les nations du monde. Alors que le gouvernement américain espère encore pouvoir prendre le contrôle de l’Entité, Ethan Hunt (Tom Cruise) se cache de tous, afin de mettre fin au règne de l’intelligence artificielle sans qu’aucun humain ne puisse en profiter…



Avant toute chose, crevons l’abcès : The Final Reckoning est-il vraiment un film parfait ? Bien sûr que non.


Est-ce vraiment grave ? Bien sûr que non.


Mérite-t-il vraiment la note maximale ? Ah, là, franchement... Peut-être que oui, quand même.



ettons-le donc : The Final Reckoning n'est pas LE meilleur film de la saga, titre qui revient probablement au volet précédent, le septième, même si on pourrait probablement aussi l'attribuer à n'importe quel épisode depuis Protocole fantôme. Si les mauvaises langues se montrent un peu sévères en évoquant une mise en place "laborieuse", on ne peut tout à fait leur donner tort. L'intrigue se met en place d'une manière un peu lourde, qui force les inserts provenant des épisodes précédents pour bien montrer que celui-ci est l'aboutissement des sept films avant lui. Au moins cela aura-t-il l'avantage de réveiller la mémoire du spectateur endormi ou de celui (si cela existe) qui n'aurait pas vu les épisodes précédents (le malheureux !).


Mais reconnaissons-le : la première heure du film n'est pas aussi marquante qu'elle aurait pu l'être, et c'est non sans une pointe de regret qu'on voit McQuarrie et Jendresen perdre le sens de la mesure qui caractérisait les autres volets. Car en effet, voilà la grande caractéristique de ce huitième épisode : nous sommes ici face au film de tous les excès.



La démesure est présente dans chaque ligne de dialogue, chaque plan, chaque idée scénaristique. Et on pourra le reprocher tant qu'on veut au film, à partir du moment où c'est précisément la politique qu'il choisit d'adopter, cela reviendrait à reprocher à ce huitième épisode d'avoir atteint son but !


Ainsi, les enjeux sont tellement énormes qu'on et avoir parfois du mal à y croire. Ici, Ethan Hunt doit donc sauver le monde - jusque-là, ça va -, mais il doit le sauver de la destruction massive par une IA et de la disparition totale de la vérité, rien que ça. Toutefois, là où Dead Reckoning essayait de proposer une réflexion (presque) philosophique sur l'intelligence artificielle et la place de l'humain dans la société, The Final Reckoning ne s'en embarrasse jamais. Même le concept de l'IA est finalement très peu exploité. On pourra donc comprendre aisément ceux qui sont frustrés par l'aspect grandiloquent du film.

Et en même temps, peut-on reprocher à McQuarrie de renouer avec l'esprit des serials de la grande époque type Guerre froide ? Oui, les enjeux sont trop gros pour qu'on y croie réellement, mais en cela, McQuarrie et Jendresen ne reviennent-ils pas aux fondamentaux du genre auquel ils ont recours ? Il y a un côté gentiment pulp, dans cette manie de rappeler au spectateur, à chaque réplique, que c'est le monde tel que nous le connaissons qui est en jeu. Mais justement, est-ce que ça n'est pas une manière de rendre hommage aux feuilletons télévisés des années 60 comme... Mission : Impossible ? C'est bien là la raison d'être de cette grossière redite du génial Point limite de Sidney Lumet.


Quoiqu'il en soit, oui, The Final Reckoning est un film où plus que jamais, Tom Cruise se prend pour Dieu. Chaque seconde de ce film tend à nous le représenter comme un super-héros, comme un homme qui a déé les limites de la condition humaine. En même temps, on sait où on met les pieds. Dans chaque film avec Cruise, et plus précisément dans chaque Mission : Impossible, c'est le jeu. Si vous êtes allergique à ça, ez juste votre chemin. Mais ce serait bien dommage...



Car s'il y a bien une chose, et une seule, qu'on ne pourra jamais enlever à Mission : Impossible - The Final Reckoning, c'est l'extrême qualité de ses scènes d'action. C'est bien simple, et je vais peser mes mots : les deux meilleures séquences de toute la saga - et donc de toute l'histoire du cinéma d'action - sont dans ce film.


En effet, peut-être la première heure est-elle un peu difficile à mettre en place (même si ça se discute). Mais cette longue exposition est bien le signe que Christopher McQuarrie a compris la nécessité de faire monter la pression chez le spectateur avant de lui offrir exactement ce qu'il veut. A partir du moment, donc, où Ethan Hunt s'envole pour embarquer sur un sous-marin au milieu du Pacifique, Mission : Impossible - The Final Reckoning devient le meilleur film d'action/espionnage qui ait jamais été fait. Les séquences s'enchaînent d'une manière exemplaire, jusqu'à un final qui décroche toutes les mâchoires. Qu'il s'agisse des deux batailles parallèles avant la plongée sous-marine, de la plongée en elle-même, ou de la poursuite en avion en Afrique du Sud (avec un merveilleux montage alterné où Simon Pegg et Angela Bassett volent la vedette aux autres), tout est absolument génial.


La caméra de Fraser Taggart est constamment là où elle doit être, les péripéties de Jendresen et McQuarrie ont la même saveur que dans les précédents films, et on transpire comme on n'a jamais transpiré dans la saga (prévoyez une chemise de rechange). Si la claustrophobie sous-marine aurait peut-être pu être un peu mieux rendue, rarement le cinéma aura réussi à nous faire sentir comme ici la peur de l'altitude et du vide. Allergiques au vertige, ez votre chemin ! On frissonne et on se trémousse sur notre siège comme aucun film avant n'avait réussi à le faire (peut-être La Tour infernale)...


Le plus beau, peut-être, est que Christopher McQuarrie et Erik Jendresen réussissent à ne pas négliger leurs personnages les plus secondaires. Songeons un instant qu'ils parviennent à rendre attachante la femme de William Donloe, introduite dans cet épisode ! Parlons-en, d'ailleurs, de Donloe. Si le retour de la patte de lapin est peut-être un peu facile (mais efficace), si le lien entre Jim Phelps et un personnage du film sort du chapeau de manière complètement artificielle (même si cela donne beaucoup d'épaisseur au personnage en question), le retour de William Donloe est une idée prodigieusement géniale. Elle s'emboîte parfaitement avec une séquence traumatisante du début du film, et a le mérite de donner enfin son heure de gloire à ce personnage oublié. Bien sûr, cela n'aurait guère eu d'impact narratif d'appliquer son arc narratif à un personnage jusque-là inconnu, mais le fait de reprendre un personnage lié à une des scènes les plus emblématiques de la saga ne peut que toucher le cœur des vrais fans, et l'utilité de Donloe dans la résolution du film évite de tomber dans un mauvais fan service.


Il a été dit partout que ce film était à la gloire du dieu Tom Cruise et on ne peut le nier, mais on est tout de même en droit d'apprécier qu'un tel soin ait été apporté à chaque personnage secondaire, de manière à ce que chacun ait son heure de gloire. En cela, il faudrait vraiment être de mauvaise foi pour prétendre que le film ne laisse jamais la moindre place à des personnages autres qu'Ethan Hunt.


Que dire de plus ? Mission : Impossible - The Final Reckoning est-il une conclusion de la saga ? Rien n'est moins sûr, et on en veut presque à Christopher McQuarrie de ne même pas essayer de nous le faire croire (la scène finale aurait été beaucoup plus efficace).


Qu'il constitue en tous cas le bouquet final d'un arc narratif de 8 films tous prodigieux, c'est indéniable. En nous servant sur un plateau les deux séquences les plus spectaculaires qu'un réalisateur ait jamais filmées, ce huitième film s'inscrit quelque part, très haut, dans l'histoire du cinéma d'espionnage.


Car au-delà de ses quelques défauts de rythme, au-delà de la profession de foi en un Tom Cruise divinisé que McQuarrie nous offre, au-delà des incroyables frissons que le film nous procure, au-delà des notes si cultes qui résonnent encore et toujours dans notre mémoire, il y a bien une vérité qui se dessine et qui s'affirme, quand on sort de la salle de cinéma et qu'on se rend compte qu'on n'a jamais autant pris son pied devant un film en salles.


S'il ne fallait donner qu'un argument à la suprématie du cinéma sur toutes les autres formes d'art, on pourrait citer un certain nombre de films, certes, mais The Final Reckoning figurerait quelque part au panthéon de ces films. Car s'il est une certitude qu'aucune Entité ne pourra ébranler, c'est celle-là.

Mission : Impossible - The Final Reckoning est la raison même pour laquelle le cinéma existe. Tout simplement.

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il y a 5 jours

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Tonto

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