J'avoue avoir repoussé la séance à cause de l'aspect expérimental de cet animé de peur de me retrouver dans du sous Lynch un peu trop obscur (non que je déteste l'idée, mais ça peut rapidement tomber dans de l'abstraction un brin désincarnée). Craintes rapidement évacuées car si au niveau de la forme, effectivement, je n'ai pas vu d'animé aussi explosif à ce niveau là depuis au moins l'ère Satoshi Kon, puisant de manière assumé dans les toiles de Dali et l'expressionnisme, et plus encore, le fond est par contre beaucoup plus facile d'accès. Mais c'est évidement la puissance formelle qui se dégage qui m'a le plus épaté. Parfois brouillonnes, les différentes expérimentations qui résultent de ce travail multiforme apportent une fraîcheur comme je l'ai rarement ressenti dans cette façon de changer de style sans prévenir, ant d'un tracé classique à une reproduction plus réaliste, pour er ensuite à d'étranges visions.
Mais il serait dommage de réduire cette oeuvre à un simple terrain de créations formelles, aussi fertiles soient-elles, bien que parfois un peu maladroites dans la finition. Car si encore une fois, les bases narratives demeurent plutôt classiques, sorte de fil rouge permettant au spectateur de se raccrocher à du déjà connu, à savoir une bande de yakuzas en voulant à de pauvres diables qui prennent la fuite, la suite s'avère beaucoup plus enthousiasmante, surtout que le fond et la forme finissent par former un tout indissociable, tant au niveau de l'émotion (il est étonnant de s'apercevoir que ce tourbillonnement stylistique permet de «faire le tour» des personnages), que des thématiques existentielles défendues. Car créer devient une fin en soi pour les protagonistes, d'ailleurs piégés dans un environnement à saveur fortement mythologique.
Et il est fou de voir comment tout se tient, jusque dans les essais parfois brouillons du rendu visuel. On suit donc ce quatuor de personnages dépareillés se reprendre en main, devenir de véritables démiurges de leur propre destinée, le tracé constamment perturbé étant le reflet de ce revirement positif de leur état d'esprit, et le tout est retranscrit à l'image avec des codes à leur tour déjoués pour mieux jouer avec eux. Et à ce titre le cliché «le voyage est meilleur que la fin» s'avère particulièrement vrai, car les différents délires visuels, allant de paire avec l'instinct de survie, sont souvent jouissifs et libérateurs (petit pervers que je suis, je retiens en tête le jeu du bambou et la scène de sexe, que n'aurait pas renié Bill Plympton). Mais à l'inverse, même si le final est tout à fait cohérent avec le reste, il aurait mérité d'être un peu plus abrupt pour une question de rythme et de mystère. Mais à part ce petit écart, Mind Game incarne ce vent de fraîcheur en termes de forme et de propos dont a tant besoin ce domaine qui tend davantage à chercher la sécurité que l'ouverture aux différents possibles.