La science-fiction est finalement assez rare dans le superbe et varié paysage de l’animation française ; Mars Express vient y remédier, dans un récit dystopique de colonisation de mars, où la société est devenue robotisée à outrance.
Très référentiel, long métrage n’a pas honte de ses influences : on convoque autant Blade Runner et Ghost in the shell pour son questionnement sur les androïdes et l’intelligence artificielle que Terminator 2 (le tueur au bras en épée) ou la direction artistique d’Akira. L’intrigue, plutôt linéaire, reprend le principe consistant à recycler les codes du film noir (la fille disparue, la flic et son penchant à l’alcool, le binôme avec ses propres traumatismes, les riches magnats aux commandes de lourds complots) en les intégrant dans un monde futuriste aussi fascinant qu’inquiétant.
Cette promesse d’un monde meilleur e par une ligne claire et une atmosphère lumineuse dont on souligne la facticité, quelques légers bugs révélant que le ciel bleu n’est qu’une projection sur un dôle hologramme : tout l’univers esthétique joue ainsi de ce paradoxe d’une planète ensoleillée et accueillante dont on dévoile les arcanes : sous-sols décadents, boîtes de nuits dédiées à la marchandisation du sexe et marchés parallèles dédiés à la drogue ou la libération clandestine des machines. Ce monde déjà saturé (les informations évoquent les investigations infructueuses pour coloniser d’autres planètes) fonctionne donc sur l’illusion de la maîtrise technologique, qui fonctionne effectivement à merveille, occasionnant le deuxième motif de fascination du spectateur. L’extraordinaire direction artistique multiplie les détails (la diversité des robots, par exemples) et donne à voir un monde qui serait une extension du nôtre, où la communication est interne, les réseaux routiers gigantesques et les stations spatiales organisées sur des tremplins géants vers la mise en orbite. Chaque situation est ainsi pensée pour documenter sur un futur tout à fait à portée de main, et nourrit même les séquences d’action, notamment dans cette très efficace scène d’accident et de fusillade sur l’autoroute, où l’on repère les agresseurs par capteur infra rouge tandis qu’une machine de désincarcération vient jouer son rôle dans le sort des protagonistes.
Si les révélations et les découvertes de l’enquête ne constituent pas le matériau le plus excitant du métrage, c’est bien parce que l’intérêt du film est ailleurs : dans cette construction d’un monde qui combine la curiosité enfantine du spectateur sur le futur de la civilisation, et dans la manière dont on imagine ici, dans un final assez émouvant, de laisser l’homme délaissé de sa création, la machine ayant développé une capacité qu’il n’a plus depuis longtemps : l’évolution.
(7.5/10)