La vérité n’existe que si quelqu’un l’écoute

Enric Marco, avec tous ses défauts, son imposture et son manque de remise en question, soulève quand même une problématique intéressante : le message n'est-il pas plus important que le véhicule qui le transporte ? Autrement dit, à quoi bon témoigner si personne ne nous écoute ?


Le retour des camps a aussi été un moment douloureux pour les déportés, que Francine Christophe décrit comme des êtres "plus tout à fait humain, pas encore animal". Ce qu'ils ont vécu est tellement indescriptible qu'elle dit qu'il faudrait inventer un langage dédié à cette souf, qu'il n'y a pas d'équivalent chez les vivants. Si décrire leur expérience parait si fastidieux, imaginez comment il serait impossible de le comprendre, pour quelqu'un qui ne l'a pas vécu !

Jorge Semprun nous pose aussi la question, dans L'écriture ou la vie : à la libération, les futurs rapatriés se demandent comment raconter ? seront-ils écoutés ? faut-il dire les choses comme elles sont, sans artifices ? Après tout, la vérité des camps est inimaginable au point qu'elle semblait peu crédible. Alors, pour lui, c'est une évidence, bien raconter cela veut dire "de façon à être entendus", et qu'ils n'y arriveront pas sans artifices.


Et c'est ce que fait avec brio Enric Marco ! Bien sûr, c'est moralement (très) discutable, mais il a le mérite de propager la mémoire des déportés espagnols. Car le statut particulier de l'Espagne, entre sa "neutralité" (mais proche d'Hitler tout de même), et la dictature franquiste qui dure jusqu'en 1975, il n'y a pas eu un devoir de mémoire de la déportation, comme il a pu y avoir en . La journaliste Montserrat Roig dit en ces mots "pour nous qui sommes nés après 1939, les anciens déportés n’ont jamais existé ".


Eduard Fernandez incarne très bien le rôle, notre sentiment envers lui évolue tout au long du film, j'en arrive presque à éprouver de la pitié pour cet homme. Ne connaissant pas l'histoire d'Enric Marco, j'ai trouvé ce film à la fois très intéressant, mais aussi manquant d'un petit je-ne-sais-quoi : peut-être choisir un angle et l'explorer afin de donner plus de profondeur ? J'ai parfois eu l'impression que certaines scènes restaient superficielles.

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Quotation Mark8

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