Ce serait bien réducteur et triste de présenter Maps to the star comme une critique in situ du système hollywoodien, triste parce que le film est drôle, souvent très drôle même, et réducteur car Cronenberg n'est pas un pamphlétiste, Cronenberg est un artiste.
Première comédie de sa carrière, Maps to the star déroule une mécanique grinçante mais parfaitement huilée, théâtre grotesque d'un petit monde qui se mord la queue, complétant sans faillir une filmographie implacable.
Après A history of violence et Cosmopolis, le cinéaste continue de gratter au scalpel la noirceur des âmes, plus cynique que jamais, ne ant rien, poussant à l'extrême les égoïsmes et les névroses, dans une tragédie improbable et ridicule, glaçante, hilarante, aussi vulgaire que stylée. Et si le romantisme est là, c'est un romantisme désespéré, une histoire d'amour radicalement impossible, une roulette russe.
Quelques mouvements de caméra, quelques plans larges au cadre parfait, aussi discrète que subtile, la mise en scène épouse à la perfection le récit sans temps mort des heurts et déboires de cinglés égocentriques, maniaco-dépressifs, bipolaires ou schizophrènes [au choix]. Et puis c'est assez incroyable de voir comment Cronenberg utilise le champ contrechamp, lui redonnant pour ainsi dire ses lettres de noblesses, sa puissance originelle. C'est déjà ce que Dolan fait dans Tom à la ferme, cette manière d'enfermer chaque personnage dans sa cage invisible, sa bulle, son monde en résonance. Comme toujours, la mise en scène de Cronenberg brille par sa maîtrise.
Et puis quel casting ! Que dire d'une Julianne Moore exceptionnelle, ne reculant devant rien, monstrueuse et ridicule, grandiose, radieuse, terrifiante, Julianne Moore quoi... Mia Wasikowska est évidemment parfaite, jouant elle aussi d'une dualité presque effrayante. Saluons la sobriété de Robert Pattinson, le beau retour de John Cusack, la puissance de la trop rare Olivia Williams et l'impressionnante performance d'Evan Bird. La musique du fidèle Howard Shore est très discrète mais superbe, soulignant çà et là quelques parenthèses enchantées. La scène de fin est superbe.
Comme d'autres, Gus Van Sant, Brian De Palma ou Martin Scorsese, David Cronenberg ne fait jamais de mauvais film. Celui-ci est bon.