Libertate de Tudor Giurgiu — cinéaste que je ne connaissais pas jusqu'ici — est le second film roumain sur le sujet de la révolution de 1989 à sortir cette année en , après Ce nouvel an qui n'est jamais arrivé. Mais les différences sont grandes entre les deux films : autant, dans Ce nouvel an, qui suit quelques citoyens ordinaires sur près d'une journée et demie alors que le régime des Ceaușescu vivait ses dernières heures, l'événement est montré sous son angle le plus positif, comme un bouleversement plus que bienvenu ; autant, dans l'ironiquement intitulé Libertate, évoquant un fait réel s'étant déroulé à Sibiu, l'horrible carnage que cela a été nous est balancé sans fard. La première moitié, filmant ce que l'on pourrait presque qualifier de "guerre civile", est particulièrement intense.
Qui dit révolution, dit vengeance incontrôlée contre ce qui est identifié comme les anciens oppresseurs, dit épuration dont peuvent être victimes aussi bien des innocents — parfois, il suffit de se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment — que des coupables. Le long-métrage s'attache surtout — en particulier durant sa seconde moitié — à un fait : pendant, au mieux, quelques jours, au pire, plusieurs semaines, des dizaines et des dizaines de personnes ont été faites prisonnières dans une piscine vide, tenues en joue par des militaires.
Au fur et à mesure que l'on avance, les libérations devenant de plus en plus nombreuses et que les geôliers semblant de moins en moins tendus, l’atmosphère se détend légèrement. Mais une tension permanente subsiste, car tout est susceptible de partir en vrille à tout instant.
Le tout bénéficie de deux grandes qualités : des interprètes impeccables et une mise en scène réussissant à nous faire ressentir le chaos sanguinaire qui s’est déroulé durant les fatidiques derniers jours de ce mois de décembre 1989.
Malheureusement, le film a aussi deux gros défauts : une fois le contexte posé, il s'éparpille inutilement sur d'autres lieux et d'autres prisonniers, au lieu de rester dans le bassin et ses alentours. Ensuite, il a le tort de ne pas se concentrer davantage sur quelques personnages : par conséquent, on a souvent du mal à identifier qui est qui, qui a fait quoi. Je pense que cette œuvre, loin de manquer de puissance, en aurait encore plus si elle avait été écrite avec un peu plus de rigueur.
Il n'empêche, même si Libertate a quelques problèmes scénaristiques, sa force documentaire et sa volonté de rendre compte frontalement d’un épisode méconnu de la révolution roumaine justifient pleinement qu’on lui accorde notre attention.