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La critique sans spoil : À voir !
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À partir d’ici, spoil potentiel :
Un excellent film avec des images qui ont du sens, ce qui tend à se perdre, je trouve. En tous cas je m’en régale quand j’en trouve. Pour exemple, les prisonnières voilées et les prisonniers en tenue à rayure en arrière plan. Hommes et femmes privés d’individualités par les costumes, prisonnier dans les geôles comme à l’air libre d’une société injuste.
Le huis clos résume les tensions sociales, la cellule familiale en réplique des pressions du corps social. Ce huis-clos devient l’âme du film à la fois métaphore de la situation sociale mais aussi des conditions du tournage, renvoyant la fiction au quasi-documentaire.
Pas de manichéisme pour autant, au moins au début, l’homme a des doutes éthiques face à sa nouvelle charge, ce n’est pas juste l’incarnation du Mal. Doutes qui trouveront un écho à la fin devant son image enfant en train d’être embrigadé. Une vie de lobotomisé, à croire à un système et donc à le défendre. Homme qui ne comprend pas que la libération de la femme serait la sienne aussi.
La mère est subtile, on sent qu’elle craquera d’ici à la fin, on l’espère de tout son cœur comme belle conclusion au film (on sent la craquelure et la progression intérieure quand elle istre les soins dans le age le plus puissant du film). Mais dans ce long intervalle de 3h, elle devra tenir son rôle d’agent double. On pense aux femmes adultes dans « Mustang » (la grand-mère si ma mémoire est bonne), perpétuant les sévices au profit des hommes et de la société.
Les hommes deviennent paranoïaques, se méfient du corps social. D’abord seulement des autres hommes (ayant commis des actes blasphématoires), puis des étudiants, puis des filles, des femmes, jusqu’à leur propre cellule familiale. Toute la société devient suspecte. Encore plus suspecte qu’avant. Ce qui mènera à cette conclusion limpide dans le labyrinthe des ruines. Comme une ime, l’impossibilité de sortir d’une situation trop imbriquée où tout le monde est victime et complice dans une société qui s’effrite. Mais surtout comme la menace pour les hommes de ces femmes entrant en rébellion avec des mots d’ordres et de soutiens glissés sur les réseaux sociaux, l’homme tentant la menace mais ne parvenant pas à les contenir toutes, les voix et les visages surgissant tour à tour des interstices. La polysémie de ces ruines est particulièrement éblouissante.
Malheureusement cette formidable métaphore vient trop tard. Le film s’enlise un peu à partir du moment où ils partent à la maison de famille. Il s’étire pour rien quand Sana place chacun des 4 hauts-parleurs et fait carrément du sur-place dans les ruines. On pourrait penser que le film aurait mérité d’être plus court. Sans être faux, ce n’est pas le problème de ces deux séquences finales, il leur manque surtout une tension cinématographique. On sent les possibilités du film d’horreur, du western ou du film hitchkockien mais le talent n’est plus au rendez-vous. La scène étourdissante et virtuose de la découverte de la perte de l’arme (la caméra lui tourne autour alors qu’il arpente l’appartement) ne trouve pas d’équivalent ici. On comprend pourquoi les filles se séparent pour la symbolique du scénario mais c’est totalement idiot du point de vue de l’histoire. C’est la seule scène forcée du film. Dommage que ça soit sa conclusion.
Le film a le bon goût de ne pas avoir d’épilogue fictionnel après l’image finale. À la nuance près d’avoir remis des images d’archives qui perdent en force, c’est triste à constater, après ces longueurs inutiles. Dommage.
D’autres films comme Mustang, Much Loved et surtout La loi de Téhéran dépeignent autant de choses en moins de deux heures. On pensera aussi à les revoir et à les défendre.
Le film penche malgré tout du côté du chef-d’œuvre et mérite d’être vu.
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8/10 à cause des longueurs de la fin
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