Largement démoli à sa sortie, le remake de Sleuth ne méritait pas tant de haine critique. Refaire un film de Mankiewicz, c'est entendu, c'est un pari perdu d'avance. Il fallait être clairement maso pour s'attaquer au projet. Car à l'arrivée, la comparaison profite évidemment sans surprise au film d'origine. Pour autant - et quitte à être en désaccord avec la plupart - cette version-ci est réussie, principalement parce qu'elle est respectueuse de l'esprit de l'original. Elle en saisit le sens, qui va bien au-delà de l'intrigue à twist qui a fait son succès.
Sur la forme, les jeux qui constituaient le décorum de la version de Mankiewicz sont remplacés par leurs équivalents contemporains, en l’occurrence profusion de joujoux technologiques tous plus idiots les uns que les autres. Signe des temps, les pièces surchargées du Wyke d'origine laissent place à un lieu aussi épuré que factice, tout aussi inhabitable, que seul le richissime protagoniste peut avoir l'idée saugrenue de trouver de bon goût. Donc sur la forme, la modernisation de l'intrigue est réussie.
Sur le fond, la remise au goût du jour du jeu d'humiliation auquel l'un et l'autre se livrent est réussie tout autant. Cette fois, le terme humiliation - mot, sauf erreur, jamais employé dans l'original - est clairement donné comme moteur de l'intrigue. Et si l'histoire reste stricto la même dans les deux premières parties, la modernisation de la dernière sonne juste. Cette fois, on n'invoque plus le scandale d'un meurtre dont Wyke doit se disculper, mais la tentation de trop prend la forme d'une relation plus équivoque entre les deux protagonistes.
Et puis quand même - last but not least - reprendre Michael Caine pour jouer son antagoniste du premier film, c'est tout de même une idée brillante. Le tandem version 2007 fonctionne parfaitement, et les deux acteurs jouent excellemment bien.
Même si la plupart des remakes sont de viles machines opportunistes, il faudrait donc y regarder à deux fois avant de jeter le bébé avec l'eau du bain. Parce que la version de Branagh est réussie.