Si les John McClane et autres Martin Riggs ont depuis longtemps eu la chance de voir leurs aventures prolongées jusqu’au seuil de la retraite (et ce n’est pas fini en ce qui concerne le duo Riggs-Murtaugh), Axel Foley lui nous avait quitté sur un troisième opus d’une indigence telle qu’il faisait honte à Eddie Murphy lui même (selon les dires de l’acteur).
Depuis, trente ans se sont écoulées. Beaucoup de pétarades filmiques ont défilé sur les écrans et il semblait peu probable qu’Eddie Murphy revienne un jour à son personnage le plus mythique. Pourtant, en coulisses, la star a essayé à plusieurs reprises de ressusciter la franchise. Dans les années 2010 notamment, Murphy a longtemps entretenu le projet de décliner les aventures du Flic de Beverly Hills en série télé, dans laquelle Foley aurait été le chef vieillissant d’une unité de police composée de jeunes têtes brulées. Mais le projet n’a jamais abouti.
Entretemps, Murphy s’est essayé maladroitement au revival d’un autre vieux succès, avec son Prince à New York 2, produit par et pour Amazon.
Au final, c’est avec Netflix (déjà distributeur de ses deux succès My name is Dolemite et You people) qu’Eddie Murphy conclua un accord pour produire un tardif quatrième opus du Flic de Beverly Hills prévu pour sortir trente ans pile poil après le troisième film (et quasiment quarante ans après le premier film). Et comme à son habitude la plateforme aura déboursé plusieurs centaines de millions de biftons sans pour autant avoir le bon sens de se reposer sur un script solide.
Sans surprise, ce quatrième opus joue pleinement la nostalgie et ce dès son intro qui retrouve les chansons d’ouverture des deux premiers films (The Heat is on de Glenn Frey au début, Neutron dance de The Pointer sisters durant la course-poursuite). La recette reste quasi-inchangée : une course-poursuite ravageuse en ouverture, un supérieur (ici Paul Reiser, déjà employé par Netflix dans La Méthode Kominsky et Stranger things) qui tanne Foley, un ami se trouvant en difficulté à Beverly Hills, les retrouvailles avec les vieux potes, une vague intrigue criminelle autour d’un trafic de drogue, un vilain élégant et suffisant (les bad guys de la franchise sont toujours méprisants envers Foley, pour des raisons racistes mais aussi un peu comme chaque coupable chez Columbo). Vous assaisonnez le tout de clins d’oeil au deux premiers films (le troisième semble d’ailleurs être é à la trappe), vous en recyclez quelques scènes en les modernisant (l’intro, l’arrivée à Beverly Hills, l’arrestation de Foley, la course-poursuite en camion...), vous faites revenir les trognes de John Ashton et Paul Reiser (tous deux absents du 3), tout en vous appuyant sur deux valeurs sûres qui font le job (Joseph Gordon-Levitt, Kevin Bacon). La petite originalité, qui n’en est bien sûr plus une depuis les Die Hard 4 et 5, Shaft et autres Indiana Jones 4, est de centrer le film sur la relation houleuse liant le vieil Axel à sa progéniture, ici une fille avocate en froid avec lui (pour changer...).
Un prétexte, car il s’agit surtout de retrouver un Axel Foley qui, tel un Martin Riggs, a refusé toute promotion pour rester un flic de terrain, allergique à tout projet de retraite. Cela pour cligner de l’oeil aux fans eux-même vieillissants de la première heure qui ne eraient pas l’idée d’un héros devenu if, coincé derrière son bureau et sa pile de procès-verbaux.
Tout est donc fait pour ne pas surprendre les fans et ceux qui s’attendaient à une once d’originalité seront bien évidemment déçus. Le scénario est simpliste, la réalisation sans personnalité, les scènes d’action mollassonnes, l’humour pas folichon. Axel F : Le Flic de Beverly Hills 4 fonctionne comme une banale arlésienne dont la seule ambition est de cligner constamment de l’oeil aux spectateurs. En ce sens, retrouver les personnages de Jeffrey (moins con qu’à l’époque), Rosewood (et son culte de Rambo) et Taggart (qui s’est encore remis avec Maureen !), trente après a de quoi titiller la fibre nostalgique. C’est bien évidemment un plaisir de retrouver Paul Reiser, Judge Reinhold et John Ashton et de voir comment ont évolué leurs personnages, même si on regrettera tout de même l’absence de Ronny Cox.
Et bien sûr, le film ne tient surtout que sur les retrouvailles d’Eddie Murphy avec Axel Foley, ici nettement moins volubile. Un Axel que Murphy voudrait pourtant aussi arrogant et audacieux qu’à la grande époque mais qui n’arrive plus vraiment à faire illusion. Étrangement, Murphy renonce même à nous refaire le rire si caractéristique d’Axel.
Face à lui, Kevin Bacon cabotine en antithèse de Foley. Si son rôle de méchant est aussi peu développé que ceux de ses prédécesseurs, ses quelques lignes de dialogues permettent de mettre en opposition les deux personnages : superficiel, carriériste et corrompu, Bacon est tout ce que le valeureux Foley a refusé de devenir. Notons aussi que c’est le seul méchant de la saga à savoir sourire dans son antagonisme avec Foley (les précédents se montraient plus froids et irrités par la détermination du héros).
Tant que j’en suis à souligner les détails amusants, il y a aussi un élément curieux glissé dans deux dialogues et qui sonnent comme une volonté de la part d’Eddie Murphy et de ses scénaristes de renier le troisième film. Lors d’un échange avec Taggart, Foley lui rappelle que Rosewood a été son équipier pendant trente ans. Or dans le troisième film, Taggart était aux abonnés absents et Rosewood assurait le rôle de capitaine de police à Beverly Hills. Dans un autre dialogue, avec sa fille cette fois, Foley souligne que celle-ci a trente-deux ans, ce qui voudrait dire que Foley était déjà père au moment du troisième film, alors que ce dernier se terminait sur une idylle entre Foley et... une employée de Wonderland dont j’ai oublié le nom. Deux petits éléments balancés comme ça à l’attention des plus attentifs, comme pour renier en sourdine la purge de 1994.
S’il n’est pas aussi mauvais que le 3, Axel F. est pourtant loin d’être une réussite. Comme à son habitude, Netflix concentre tous ses biftons à l’image et dans le cachet de sa star mais oublie la célèbre leçon d’Hitchcock, à savoir qu’un bon film tient avant tout à un bon scénario. Cette suite se regarde, pour le plaisir de retrouver Foley, Taggart et Rosewood, comme une bande de potes depuis trop longtemps perdus de vue et dont on serait curieux de voir comment ils ont vieilli. L’intérêt de ce quatrième film est donc avant tout le même que dans toute suite tardive de classiques des 80’s : le plaisir de la nostalgie.