Giallo sensoriel

Second volet de sa trilogie « animale » composée également d’oiseau et de mouches, Le Chat à Neuf Queues reprend les codes du giallo expérimental initié par Mario Bava, en lui affiliant un scénario entre « whodunit », littéralement « qui l’a fait ? » et le film d’espionnage européen, dit euro-spy. Ce script n’étant avouons-le, pas le point fort du film.


Rassemblant un casting original, puisqu’on y retrouve l’un des acteurs phare du cinéma d’exploitation européen, l’américain James Franciscus, aperçu dans de nombreuses séries B transalpines, un interprète dit de seconde zone, au physique plutôt avantageux et au jeu toujours en phase avec ses personnages, et surtout la présence de Karl Malden, le détective Mike Stone de la série Les Rues De San Francisco, et acteur de seconds rôles à la présence remarquable chez Elia Kazan, King Vidor et dans le western signé Marlon Brando, La Vengeance Aux Deux Visages. Il interprète le rôle de Franco Arno, un aveugle au sens logique très développé, formant un original duo avec une petite fille, sa nièce dont les déplacements sont accompagnés d’une excellente partition du maestro Ennio Morricone.


Comme je le dis plus haut, le scénario, un rien embrumé et très secondaire, n’est pas le point fort de ce second film du futur réalisateur de chef d’œuvres comme Profondo Rosso ou Ténèbres. En revanche, il y a du style à revendre et une grande propension à créer une ambiance palpable irriguant toutes les modalités du thriller Hitchcockien, auteur dont Dario Argento s’avèrera l’incontournable pendant latin, en reprenant la plupart des codes pour les diluer dans une stylisation entre baroque et psychédélisme avec toujours ce souci de l’innovation visuelle avec notamment cette caméra louma qui virevolte et est obsédée par l’angle impossible. Avec ses déambulations du tueur filmé à la première personne à la manière du Voyeur de Michael Powell, il imprime toutes ses obsessions dans un enchaînement de scènes délirantes, préambules à des scènes de crimes souvent filmées de manière très démonstratives, voir sadiques.


C’est en tentant de se dépatouiller d’un script franchement pas très linéaire et d’une ligne de conduite aléatoire, que l’on se laisse agréablement duper par une stylisation radicale et un sens inouï du découpage qui nous le font totalement laisser de côté, pour une plongée quasi métaphysique dans l’univers de ce grand maître de la stylisation outrancière et de l’expérimentation visuelle.


Souvent considéré comme l’un de ses « moins bons » films, Le Chat à Neuf Queues, dont le titre imprime déjà une certaine volonté de brouillage de piste, possède malgré tout de véritables atouts, autant visuelles qu’innovantes qui donnerons au genre giallo toutes ses lettres de noblesse et en feront le maître absolu.

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le 12 janv. 2019

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Philippe Quevillart

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