Celui qui sauve une vie, sauve l'humanité toute entière.
Alors qu'il peaufine le montage de son blockbuster monumental qu'est "Jurassic Park", Steven Spielberg tourne le reste de la journée son exact opposé, projet qui lui tien à coeur depuis plus de dix ans mais qu'il remettra chaque fois à plus tard, tentant même de confier la mise en scène à quelques uns de ses illustres collègues, tant le cinéaste ne se sent pas prêt pour une entreprise si personnelle.
Si l'on excepte quelques libertés historiques (de toute façon relatives, l'histoire étant écrite par les vainqueurs comme on dit, on y met ce que l'on veut) et le fait que les personnages principaux soient interprétés par un casting anglo-saxon, "La liste de Schindler" étonne toujours autant par sa force et par sa sobriété, loin du pathos larmoyant et du traitement scolaire que l'on pouvait redouter.
Souhaitant revenir aux fondements même de la mise en scène en restant le plus sobre possible, faisant parler d'avantage le coeur et les tripes que la technique et l'esbroufe, Spielberg délaisse tout glamour et tout style hollywoodien pour signer une oeuvre âpre et douloureuse, sublimée par le noir et blanc de Janusz Kaminski.
Maîtrisant la suggestion comme personne, capable de nous informer sur le destin funeste des personnages en un seul plan, Spielberg ne se dérobe cependant jamais face à son sujet difficile, n'hésitant pas une seule seconde à montrer toute l'horreur et la folie des évènements qu'il met en scène, tout en laissant apparaître de très légères touches d'humour et de poésie surréaliste.
Alors qu'ils auraient très bien pu débarrasser le personnage d'Oskar Schindler de certains de ses aspects les moins reluisants, Spielberg et son scénariste Steven Zaillian décrivent au contraire un homme opportuniste, charmeur et queutard, businessman avant tout dont la guerre laissera paradoxalement apparaître le meilleur. Dans le rôle de sa vie, Liam Neeson en impose sérieusement, aussi classe que bouleversant quand il laisse entrevoir ses failles, très bien entouré par l'émotion contenue de Ben Kingsley et par le charisme presque animal de Ralph Fiennes, inoubliable en pourriture sanguinaire.
D'une émotion à fleur de peau et illuminé par la partition pudique de John Williams, "La liste de Schindler" est une oeuvre aussi poignante qu'importante, d'une infinie délicatesse, et qui, sans vous en rendre compte, vous laisse avec la gorge serrée et les yeux humides.
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