Pas besoin de croire aux fantômes pour ressentir leurs présences

N’étant ni croyant ni vraiment sensible aux récits spirituels, je partais avec une légère appréhension devant L’Orphelinat, premier long-métrage de J.A. Bayona. Et pourtant, j’ai été plutôt surpris, pas tant par la peur (même si deux-trois séquences foutent le frisson), mais par l’intelligence émotionnelle du film et sa capacité à offrir une double lecture, entre drame psychologique poignant et conte macabre aux accents fantastiques.


Le pitch pourrait laisser croire à un énième film de maison hantée : une femme revient dans l’orphelinat de son enfance pour y vivre avec son mari et son fils Simon, avant que ce dernier ne disparaisse dans des circonstances étranges, après avoir évoqué des amis invisibles. Jusque-là, on pense reconnaître les grandes lignes d’un schéma classique. Mais là où le film se démarque, c’est dans sa manière de toujours faire planer l’ambiguïté. Est-ce que tout ceci relève du surnaturel ou d’un chagrin trop profond pour être exprimé autrement ? C’est justement ce flou qui rend l’expérience aussi troublante que touchante.


Bayona livre une mise en scène maîtrisée, élégante, presque théâtrale dans son découpage, avec une utilisation du son et du silence vraiment efficace. La maison, personnage à part entière, suinte la mémoire et le poids du é sans en faire des caisses. L’ambiance est pesante sans jamais tomber dans le tape-à-l’œil horrifique. On est bien plus dans le mélancolique que dans le gore, et franchement, ça change.


La performance de Belén Rueda porte le film sur ses épaules : elle incarne Laura avec une intensité bouleversante, toujours sur le fil entre la lucidité et la dévotion maternelle dévorante. C’est cette tension qui m’a accroché. Parce qu’au fond, L’Orphelinat, c’est moins un film de fantômes qu’un film sur l’absence, le deuil, et le refus d’accepter l’inacceptable.


Il y a évidemment quelques grosses ficelles ici ou là, des facilités dans certains enchaînements (le personnage de la médium notamment, un peu trop “fonction”), et une résolution qui pourra paraître tirée par les cheveux pour ceux qui cherchent un sens purement rationnel. Mais si on accepte l'idée que tout ça est un conte triste, alors le film gagne en force et dans tous les cas, je ne me suis pas ennuyé une seule seconde et je n'ai pas vu le temps é.


En bref, L’Orphelinat, c’est un peu comme un souvenir d’enfance qu’on croyait avoir oublié et qui revient frapper à la porte : étrange, flou, peut-être faux… mais émotionnellement juste. Pas besoin de croire aux esprits pour être hanté par cette histoire.

A (re)découvrir!

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le 5 avr. 2025

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lugdunum91

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