Je suis toujours là
7.2
Je suis toujours là

Film de Walter Salles (2024)

Pour ne pas oublier que le Brésil a connu une dictature militaire

Il est étonnant que le film ait obtenu le prix du meilleur scénario à la 81e Mostra de Venise (présidée par Isabelle Huppert) car c’est seulement l’adaptation, chronologique et linéaire, du livre éponyme de Marcelo Paiva qui relate la vie de sa famille après l’arrestation de son père Ruben, 41 ans, ancien député, en 1971, pendant la dictature militaire. Il a, néanmoins, le mérite de reparler de la dictature militaire brésilienne (1964-1985) à travers une famille (père architecte, mère au foyer et 4 filles et 1 garçon, vivant dans le quartier chic d’Ipanema, à Rio de Janeiro, dont la plage éponyme est dominée par le Morro Dois Irmãos ou Colline des Deux Frères). Néanmoins, le film est trop long (2h15), ne démarrant vraiment qu’au bout de 35 mn et n’est pas suffisamment à charge contre le régime [présidé (1969-1974) alors par Emilio Médici (1905-1985)], période, par ailleurs, dénoncée par le documentaire (19 mn), « Inès » (1974) de la réalisatrice française Delphine Seyrig [sur l’emprisonnement, en 1971, et les sévices dont a été victime Inês Romeu (1942-2015), militante brésilienne opposée à la dictature]. Le film n’est pas assez épuré (cf. épisode du chien écrasé) et manque de punch, celui que l’on trouve dans les films de Costa-Gavras, tels « Z » (1969), inspiré de l’assassinat du député grec Grigóris Lambrákis en 1963, « Etat de siège » (1973), inspiré de l’enlèvement d’un agent du F.B.I. américain par les révolutionnaires Tupamaros en Uruguay, « Missing » (1982), inspiré de la disparition d’un journaliste américain pendant le coup d’état du général Pinochet le 11 septembre 1973 au Chili, ou dans « Compañeros » (2018) d’Alváro Brechner, sur l’emprisonnement pendant 12 ans, d’opposants politiques en Uruguay. Il reste, néanmoins, un beau portrait de femme, Eunice Paiva (Fernanda Torres, 59 ans, qui porte le film sur ses épaules), elle aussi arrêtée mais relâchée au bout de 5 jours (l’ancienne présidente du Brésil, Dilma Roussef, a été arrêtée en 1970, torturée pendant 22 jours puis emprisonnée pendant 3 ans), qui a dû s’occuper seule de ses enfants et a même repris des études d’avocat afin de connaître la vérité sur l’arrestation de son mari (document officiel obtenu qu’en 1996) et de défendre les Amérindiens expropriés pour construire la Transamazonienne (4 223 km, reliant l’Atlantique au Pérou).

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le 28 oct. 2024

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bougnat44

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