Brumes et Pluies

Le temps e.


Facilement, il se confond et perd sa structure. Les souvenirs, regrets et joies se mélangent et forment un dédale infini. Les époques se recoupent, se font écho. Elles s'entrelacent pour mieux retracer la vie de Noodles.


Derrière un nuage de fumée, les pavés froids de New York écoulent péniblement les gouttes de sang qui tapissent leur surface. Ou peut-être n'est-ce qu'un souvenir. Un de ceux qui hantent Noodles en plein pélerinage introspectif.


En lui, il est question d'amitié, de fraternité, de violence. De remonter dans le temps pour observer par un trou dans le mur l'objet de ses fantasmes. D'une jeunesse dans la pauvreté, à rêver. L'Amérique. Terre de tous les possibles.
Terre d'une bande de hors-la-loi, mais de frères avant tout. Issus de la même galère, sortis par la même porte. Ils sont de ceux qui vivent en groupe, par et pour les autres. De ceux qui construisent des légendes, de ceux dont on raconte les histoires.


Ils sont nés quand ils se sont rencontrés. Ils ont fait leurs les rues humides de New York, narguant les alentours du pont de Brooklyn, jusqu'au jour où l'un des leurs a dérapé sur la chaussée. Lui est resté sur le carreau.


Un carreau. Ce qu'il suffisait à Noodles d'enlever du mur pour embrasser, du regard, Deborah. Deborah qui danse au milieu de la réserve au son d'un vieux gramophone. Deborah, la grâce et la lumière, à un mur de lui.
Deborah, qui, même des années plus tard, lui restera inaccessible. Une étoile intouchable, trop belle pour lui, le crasseux, le gangster. Ne lui reste que son seul langage, la force. Celle qu'il emploie dans ses affaires, pendant la prohibition. Celle qui fait de lui un personnage influent de la pègre, lui ouvrant la porte d'un style de vie luxurieux mais à problèmes.


Noodles erre dans ses souvenirs, confronte les fantômes de son é, les regrets. Au crépuscule de sa vie, il plonge dans sa mémoire et reconstitue un testament mélancolique inoubliable.
Plus jeune, l'opium adoucissait ses jours, son paradis artificiel est aujourd'hui tout autre. La mélancolie, le temps qui e et les souvenirs rythment ses pensées.
Il se cache derrière un nuage de fumée, pour oublier en se souvenant, et garde un sourire irréductible. Rien n'est plus doux au coeur plein de choses funèbres que d'endormir par un soir sans lune la douleur sur un lit hasardeux.


Le temps est assassin. Malléable à volonté, il perd qui s'y aventure dans un océan infini. Une fraction de seconde dure une éternité, le é est inaltérable. Noodles n'en reviendra plus de ce é, c'est là qu'il vit.


Accompagné par une bande-son inoubliable, Leone livre, perdu dans le temps et la fumée, le plus grand film jamais réalisé. Le temps e, et pourtant il se suspend. Chaque geste est immédiat, et chaque geste est éternel.
Comme Noodles, chérissons cette éternité. Hier était beau.
Demain n'est pas promis.

10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films sur la mafia

Créée

le 17 déc. 2015

Critique lue 2.7K fois

92 j'aime

24 commentaires

Black_Key

Écrit par

Critique lue 2.7K fois

92
24

D'autres avis sur Il était une fois en Amérique

Il était une fois en Amérique
10

Intemporel testament mélancolique

Ultime œuvre de Sergio Leone, il consacra douze années de sa vie pour ce testament, notamment pour préparer le scénario adapté du livre "The Hoods" de Harry Grey. Il nous fait suivre le destin de...

le 22 sept. 2014

237 j'aime

66

il était une fois , un monument est né ...

Techniquement parlant, « Il était une fois en Amérique » se présente comme une apothéose de virtuosité atteignant les sommets du septième art . Rapidement, Leone va bouleverser le code narratif...

le 4 mai 2012

100 j'aime

9

Il était une fois en Amérique
10

Brumes et Pluies

Le temps e. Facilement, il se confond et perd sa structure. Les souvenirs, regrets et joies se mélangent et forment un dédale infini. Les époques se recoupent, se font écho. Elles s'entrelacent...

Par

le 17 déc. 2015

92 j'aime

24

Du même critique

Time for hope

Ce matin, j'ai pas envie de rigoler. Ce matin, j'ai une sacrée gueule de bois. Pas du genre qu'on fait er en buvant je ne sais quelle mixture miracle, pas du genre qui attaque le foie en même...

Par

le 14 nov. 2015

132 j'aime

10

Il était une fois en Amérique
10

Brumes et Pluies

Le temps e. Facilement, il se confond et perd sa structure. Les souvenirs, regrets et joies se mélangent et forment un dédale infini. Les époques se recoupent, se font écho. Elles s'entrelacent...

Par

le 17 déc. 2015

92 j'aime

24