Proposer à Will Smith d'endosser le rôle d’un homme de main vieillissant confronté à un personnage d'une insolente jeunesse était en soit une idée intéressante. La star hollywoodienne, à l’instar des acteurs de sa génération semble traverser les décennies sans coups temporels férir. Et si les uns comme Daniel Craig dans Skyfall ou les autres comme Tom Cruise dans Fallout aspirent à une retraite bien méritée, il n’en reste pas moins qu’ils récidivent sans qu'on ait besoin de trop les y pousser, envoyant des mandales à qui veut, courant comme des lapins et faisant tomber les filles plus facilement qu’à vingt ans. Henry Brogen entend lui aussi raccrocher à l'aune de sa 51ème année (âge de Will Smith lui-même) mais comme on vient lui chercher des noises, qu’on tue son vieux pote de boulot et qu’il se retrouve en compagnie d'une jeune et seyante collègue, le faux-vrai-vieux héros reprend du service à contrario de son plein gré.
Sauf qu’à la différence des James Bond et autre Ethan Hunt, Henry Brogen ne va pas se retrouver opposé à un quelconque mafieux terroriste de plus mais à lui-même. En plus jeune. Bref, à son bébé clone.
Sur la base de ce pitch le scénario aurait pu être tout à fait ionnant, d’autant qu’on perçoit en filigrane la volonté d’Ang Lee de filer la métaphore de l’acteur hollywoodien face aux personnages stéréotypés qui le suivent toute sa carrière durant. Et l'obligent à rester éternellement jeune. L'utilisation des miroirs et la réversibilité du plan cinématographique (notamment un champ-contre-champ significatif vers la fin du film ) attestent de ce regard introspectif du réalisateur sur le cinéma lui-même. Sauf que tout cela n’est que vaguement évoqué. Gemini Man reste d’abord un film d’action plutôt boursoufflé qui en met certes plein la vue avec des effets spéciaux vertigineux (mais est-ce encore du cinéma ?) mais finit par se prendre les pieds dans le tapis scénaristique. Avec son clone triste, Ang Lee convoque des problématiques qui d’un point de vue strictement scientifique, n’ont pas de liens directs avec la technique du clonage. Ainsi, il n’y a aucune raison objective pour qu’un clone ressente psychologiquement les mêmes choses que son double. Or le film insiste fortement sur ce postulat. De même, un clone ne possède pas de super pouvoirs particuliers or Junior, celui du film, semble doté des caractéristiques qu’on attribuerait plutôt à un cyborg. D’où une impression de déjà vu qui renvoie en fait à d’autres films sur le thème de l’intelligence artificielle (I-Robot avec le même Will Smith ou Ex-Machina qui développe de façon plus convaincante le thème de la créature et de son maître).
Quant aux considérations -frankensteinœdipiennes loin d’élever le film elles le plombent dans les grandes largeurs et jusqu'à une conclusion sans inspiration, elle aussi plombante : "un bon coup de fusil et on n’en parle plus" comme solution ultime à tout problème.
Visuellement distrayant mais sans âme.
Personnages/interprétation : 5/10
Histoire/scénario : 3/10
Mise en scène/musique/effets spécieux : 7/10
5/10