Garde à vue par Incertitudes

Avec Garde à vue, on entre dans ce cinéma français des années 80 que j'affectionne particulièrement et qui nous a réservé quelques chefs d'oeuvre dont on pourrait citer : Tchao Pantin, Mortelle Randonnée, On ne meurt que deux fois, Le choix des armes...Et sur ces 5 films, 3 sont dialogués par Audiard. Un hasard ?

Garde à vue a pour origine Michel Audiard qui avait acquis les droits du roman de John Wainwright intitulé A table. Suite à la mort tragique de son fils en 1975, on le vit alors aller vers plus de noirceur et de désespérance. Exit donc les grands films populaires qui ont fait sa renommée. C'est un film que j'ai vu pour la 1ere fois alors que j'étais au collège. Il y avait une sorte de ciné-club auquel on pouvait s'inscrire. Entre midi et 2, un prof amenait son film de chevet. Tantôt, ce fut Mort sur le Nil, tantôt Le nom de la Rose. Et puis, il y eut Garde à vue.

La nuit de la Saint-Sylvestre, Gallien (Lino Ventura) en compagnie de Belmont (Guy Marchand) asticotent Martinaud (Michel Serrault) un notaire fortement suspecté d'avoir étranglé et violé deux fillettes retrouvées mortes dans les dunes de Saint Clément. Martinaud les intrigue d'autant plus que sa défense est loin d'être convaincante.

Le film se déroule uniquement, comme on pouvait le prévoir au vu du titre, dans un bureau au sein d'un commissariat. Ce n'est pas pour autant qu'il en est ennuyeux. Bien au contraire. Audiard avait pour envie d'écrire un huis-clos où 2 personnes discuteraient simplement autour d'une table. Dès les premiers instants, on est littéralement happé par cette histoire sordide, ce huis-clos étouffant entre 3 immenses comédiens : Lino Ventura (qui entrait dans la fin de sa carrière à 60 ans és) et Michel Serrault (qui glanera un second César du meilleur acteur après celui pour La cage aux folles) complices dans la vie mais qui n'avait jamais joué ensemble, Guy Marchand + la grande Romy Schneider qui traverse l'écran comme un fantôme avec ses 10 minutes de présence.

Les dialogues du maître se ent de commentaire. On est loin des grandes envolées des Tontons flingueurs. Un petit échantillon : "Les médiocres se résignent à la réussite des êtres d'exception. Ils applaudissent les surdoués et les champions. Mais la réussite de l'un des leurs, ça les exaspère. Elle les frappe comme une injustice" ou "Tango, ça s'écrit comment ? Bah, comment voulez-vous que ça s'écrive? Comme Paso Doble ?"

Et ainsi de suite. Incisifs, tranchants mais surtout incroyablement réalistes. Parlons aussi de la photo du plus talentueux directeur de la photographie des années 80 Bruno Nuytten (Tchao Pantin) qui renforce le côté poisseux du film ainsi que la musique très fête foraine de Georges Delerue.

Un grand film des années 80 pour lequel Audiard sera enfin reconnu par ses pairs par un César du meilleur scénario. Un affrontement psychologique de toute beauté, un véritable combat de boxe, écrit par un dialoguiste de génie et des acteurs, aujourd'hui disparus, comme on n'en fait plus.
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Top 10 Films

Créée

le 19 sept. 2013

Critique lue 839 fois

4 j'aime

Incertitudes

Écrit par

Critique lue 839 fois

4

D'autres avis sur Garde à vue

Critique de Garde à vue par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Un 31 décembre, les corps sans vie de deux fillettes, violées et assassinées, sont retrouvés au milieu des dunes dans la région de Cherbourg. Ce soir- là, l'inspecteur Antoine Gallien et son adt...

le 17 août 2014

78 j'aime

16

Deux hommes en colère

On est le 31 décembre, dans un poste de police un notaire est interrogé par un commissaire concernant son témoignage suite a la découverte du corps d'une petite fille . Très vite on apprend qu'il...

Par

le 12 janv. 2014

49 j'aime

9

Flic-suspect : "Les nerfs à vif" !

Unité de temps : la nuit de la Saint-Sylvestre, dans une ville indéterminée... Unité de lieu : un bureau anonyme dans un commissariat qui ne l'est pas moins... Unité d'action : un interrogatoire qui...

le 26 sept. 2017

42 j'aime

26

Du même critique

Marche à l'ombre
10

"J'ai été attaqué par des renards tout à l'heure"

Marche à l'ombre est assez proche de Viens chez moi, j'habite chez une copine. La présence de Michel Blanc bien sûr. Mais les thématiques sont similaires. Chômage, précarité, crise du logement,...

le 8 nov. 2015

14 j'aime

1

Les Tontons flingueurs
10

Critique de Les Tontons flingueurs par Incertitudes

Les Tontons flingueurs marquent la première collaboration entre Lautner et le dialoguiste Michel Audiard et le début d'une trilogie qui s'est poursuivie avec Les Barbouzes et Ne nous fâchons pas. Il...

le 23 nov. 2013

11 j'aime

4

Critique de Heureux qui comme Ulysse... par Incertitudes

Lorsque Fernandel tourne ce film, il n'a plus tourné depuis deux ans. Il se dit marqué par le décès de son copain Bourvil. Vous l'avez deviné, on n'est pas ici dans la grosse comédie. Le comique...

le 11 janv. 2015

10 j'aime

3