Dheepan est un film qui parle d'une réalité sans chercher à coller au réel, sans vouloir dire la vérité, au contraire, il s'éloigne du réel pour créer une autre réalité, cinématographique tout en restant ancré dans un contexte sociologique. N'est ce pas de cette manière que le cinéma peut nous interroger sur cette réalité sociale. Avec un usage parcimonieux des mots, qui accentue les effets purement cinématographiques de mouvements de caméras, de montage, de mise en scène et de jeux des acteurs, Audiard exprime beaucoup. Il raconte une histoire de façon personnelle sur un sujet peu commun et peu vendeur. Faire un film sur des immigrés Sri Lankais dans une cité de banlieue, il fallait quand même oser et cela témoigne d'une certaine liberté, voire d'une liberté certaine. Comme toujours dans le cinéma d'Audiard, les sentiments des personnages sont prépondérants. On retrouve le thème du personnage principal avec ses propres codes, qui peine à s'adapter au monde.
L'ellipse finale pose beaucoup de questions et ouvre ainsi à la critique, comme d'autres choix d'Audiard, presque radicaux, notamment la brutalité et le changement de ton de la dernière partie du film, mais aussi la manière dont il est réalisé (des choix de plans longs, une certaine opacité de l'image et une certaine incrédulité qu'elle peut susciter).
Ce doit être pour ces raisons que le jury du festival de Cannes 2015, présidé par les frères Cohen lui a décerné la Palme d'or, n'en déplaise à ceux qui trouvent que ce Dheepan ne ressemble pas à une palme d'or ( mais à quoi ressemble une palme d'or ?) et auraient préféré voir un film plus long, lent, voire soporifique l'emporter. Mais le jury n'est pas constitués d'intellectuels ou de critiques de film.