Basé sur un postulat on ne peut plus simple et classique, une femme soupçonne son mari d'infidélité et engage une escort girl afin de le piéger, Egoyan bâti un drame érotique et intimiste. Mais on comprend assez rapidement qu'il est surtout question de la femme, de la femme cinquantenaire et de sa position pleine d'interrogations et de doutes à ce mi-parcours.
Cette femme, Catherine (Julianne Moore impeccable), isolée psychologiquement, balade sa présence fantomatique dans les couloirs glacials de sa maison design. Faussement présente lors des soirées mondaines, elle y joue son rôle, délaissée par son adolescent de fils qui ne lui adresse quasiment plus la parole et par un mari envahi par son boulot et qui ne fait plus que « er ». Finalement, il n'y a qu'un endroit où on la voit, c'est sur son lieu de travail. Elle y est gynécologue et dirige une entreprise à défaut de perdre la maîtrise de celle familiale.
A longueur de journées, elle y voit défiler des femmes, leurs sexes, leurs pensées. On est là dans une intimité vraiment étroite. Elle leur donne des conseils et les aides.
Chloé, le film, c'est peut être tout simplement l'histoire d'une femme qui désire à nouveau se dénuder. Affronter le miroir, celui physique et celui que sa psyché lui renvoie. Une histoire de désir, de chair. On ne voit pas cette femme, son mari non plus, son fils non plus, non pas qu'elle n'est plus attirante mais car elle-même ne désire plus se voir.
C'est cette phobie qui va l'entraîner dans une spirale quasi infernale, une sorte de vertige érotique, Hitchockien et son désir de la blonde.
Elle va soupçonner son enseignant de mari de flirter avec ses étudiantes, peut être le fait-il, c'est fort probable. Mais c'est ce soupçon qui va lui permettre de s'ouvrir à nouveau.
Elle va donc lors d'une soirée, faire la connaissance de Chloé (super Amanda Seyfried), jeune prostituée de luxe, lolita pulpeuse incroyablement érotique (je ne crois pas avoir ressenti cet effet depuis la Scarlett de Match Point). Elle va l'engager dans le but de séduire son mari, de le piéger.
Au fil des entretiens, Chloé racontera les récits des actes entre elle et le mari (David-Liam Neeson). Un jeu dangereux et troublant se met peu à peu en place. Catherine dans un premier temps écœurée, puis gênée va peut à peut être se fasciner pour ces récits érotiques. Son rapport au corps, le sien, va évoluer. Elle ne l'ettra pas de suite mais sa confrontation avec Chloé à réenclenché quelque chose, déterré un désir, fait resurgir la femme enfouie qui était en elle. Le quotidien de patientes allongées sur son fauteuil les jambes entrouvertes l'aurait-elle troublé ? Pas sur que ce soit réellement ça. Catherine semble voir en Chloé, le reflet idéal que le miroir ne parvient plus à afficher. Elle se voit, ou aimerait se voir. Quand Chloé lui conte ses récits, elle voit son mari, elle voit Chloé, mais c'est avant tout elle qu'elle voit, ou qu'elle imagine voir, une vision ée d'elle-même et qui peut à peut refait surface.
Et ce qui devait logiquement arriver arrive, les deux femmes vont faire l'amour, s'étreindre. Mais dans cette magnifique scène ce n'est pas deux femmes qui font l'amour. C'est bel et bien Catherine qui fait l'amour avec elle-même, avec une part d'elle, avec sa jeunesse retrouvée. Subtil montage qui subtilise l'orgasme pour le remplacer par un plan sur des arbres cerclés d'illumination. La droite et écorcée vie de cette femme s'éclaire à nouveau, elle revit.
On n'apprendra par la suite que Cholé n'a jamais vu David (là encore rien n'est sûr).
Chloé étant en fait amoureuse de Catherine et l'harcèle de plus en plus dans une sorte de faux rythme suspenseux.
Mais qui est Chloé ? Personne, c'est une image, idéalisée, presque trop parfaire, belle et pulpeuse. C'est l'image du désir et de la jeunesse. C'est un ange, volatile.
C'est bien cet ange symbolique qui poursuit le personnage de Julianne Moore.
Catherine va prendre conscience de cela. Autour d'une discussion, une vraie cette fois-ci avec son mari, les deux vont échanger, parler comme ils ne le faisaient plus. Elle réapparaît. Son mari semble toujours la considérer en temps que femme, sa femme. C'est du moins ce qu'il prétend. Mais ça suffit à Catherine, ça lui suffit pour redevenir femme à part entière. Une femme de 50 ans, consciente de ses rides mais persuadée à nouveau de posséder un pouvoir de séduction.
L'ange n'a plus raison d'être, elle peut l'évincer. Sa chute au ralenti est toutefois un peu trop symbolique, petit défaut au sein d'une mise en scène très reconnaissable chez Egoyan. On y retrouve sa sensualité, sa façon délicate d'envelopper ses personnages dans un écrin, de les effleurer tout comme les personnages du film s'effleurent. Sensuel, sensible et très érotique...