J’avais déjà vu 14 des 17 long-métrages de George Romero… alors autant voir la filmographie du monsieur en entier, même si les films restants ne me tentaient pas plus que ça. Parmi ceux-là, Bruiser, le dernier Romero sans zombies, sorti en 2000, et é assez inaperçu.
Henry Creedlow est employé dans un magazine de mode, et malgré l’illusion de réussite qu’il véhicule avec sa tenue du parfait yuppie, ce n’est qu’une façade. Sa femme, bien que très belle, ne l’aime pas et se sert de lui. Sa grande demeure, superbe de l’extérieur, est en fait encore en travaux et presque dépourvue de mobilier.
De même, intérieurement, Henry va mal. Et on nous le fait comprendre de manière bien lourde, car à chaque contrariété, il imagine laisser sa violence éclater, dans des rêveries éveillées que Romero fait durer jusqu’à ce qu’elles en deviennent ridicule. Parce qu’une femme l’a bousculé en montant dans le train, le héros s’imagine lui écraser la tête sur les rails.
Et c’est très prévisible, à un moment Henry prend la réalité pour un de ses fantasmes.
Mais encore, le film tient pas trop mal la route jusqu’à ce qu’on découvre l’environnement de travail du protagoniste. Son boss incarne un de ces monstres qu’on peut voir (ou juste se figurer) dans les salles de rédaction de magazine de mode ou d’émissions TV, des milieux impitoyables et déshumanisés où l’on juge des personnes comme des morceaux de viande. Mais Peter Stormare, qui joue le patron de la boîte, en fait beaucoup trop, il joue de manière ahurie des répliques déjà poussives, ça en est gênant à voir. En plus ce personnage est présent tout au long du film, et se comporte sans arrêt en sale con, sans même qu’il y ait de quoi en rire.
A une fête chez son boss, Henry se fait faire un moulage de son visage dont on tire un masque, et qu’on l’incite à décorer (c’est quoi cette fête ? il n’y a rien d’amusant dans tout ce processus). Lorsqu’il se réveille le lendemain, le masque entièrement blanc a remplacé son visage.
Tout ça pour livrer un message bancal, lorsque le héros accuse sa femme de lui avoir "volé son identité". Comment ça ? Parce qu’elle l’a trompé ? En quoi elle lui a volé son identité ? Certes tout s’effondre autour du personnage principal, qui découvre que tous ses proches l’ont trahi d’une façon ou d’une autre… mais en quoi c’est lui retirer son identité ?
Je ne comprends pas ce que le personnage veut dire, ni quel est le propos du film. Pourquoi cette dose de fantastique, avec ce masque, alors qu’au final tout ce que raconte Bruiser, c’est l’histoire d’un type qui pète les plombs à force d’être malmené par le destin.
Au bout d'un moment, j'ai compris que le héros est censé être un type qui se fait marcher dessus... mais ça ne transparaît pas du tout dans la façon dont on le caractérise au début.
Le film part un peu dans tous les sens, et je ne comprends pas ce que Romero a voulu faire, aussi bien dans des scènes prises indépendamment que pour l’ensemble du film.
Certains dialogues n’ont pas tellement de sens, d’autres sont complètement à côté de la plaque, au point que je ne sache pas quel était le ton voulu.
Les relations entre les personnages sont mal établies, surtout celle entre Henry et la femme de son boss, dont il semble être amoureux, sans que ça soit traité de façon suffisamment limpide.
Pendant un temps, le scénario s’attarde sur l’enquête foireuse sur les crimes du héros, et on ne sait pas pourquoi, l’un des flics croit quelqu’un d’autre coupable et écarte tous soupçons sur Henry… sans raison.
Les tentatives d’humour, quand elles sont un peu plus clairement affichées, sont au ras des pâquerettes, et ça donne des ages grotesques au milieu de séquences au ton pourtant très premier degré ; à cet égard, la fête d’Halloween à la fin est horrible, il y a tous ces gens qui montent sur scène et qu’on vire avec des prises de catch, ces gens qui dansent même quand quelqu’un meurt…
Et il y a des scènes pour lesquelles je me demande comment Romero a pu s’imaginer qu’elles allaient fonctionner… par exemple, lorsque la femme de ménage vole du l’argenterie, sans même s’assurer que personne ne la voit, ou lorsqu’Henry enfile des lunettes de soleil par-dessus son masque tout blanc, comme ça allait changer quelque chose !
La mise en scène et l’écriture sont brouillonnes, au bout d’un moment j’étais lassé, et pourtant jusqu’à la fin j’ai voulu être indulgent envers Bruiser… mais c’est totalement raté. D’ailleurs je crois que le film empire au fur et à mesure. Et le dernier truc qu’on garde en tête, c’est ce plan final risible...