Petits arrangements avec la vie
Le regard vif et bienveillant, curieuse du monde et lucide, Pascal Ferran impose l'autorité de son immense talent dans un quatrième film audacieux aux aspirations enfantines. C'est une radiographie du monde et de sa violence, c'est aussi une ode à la vie et à la liberté, un film qui fait du bien.
Mariage fou de Playtime, Mon oncle d'Amérique et Les ailes du désir, Bird people émerveille par sa rigueur et sa simplicité. Le regard porté sur la nature humaine est ici d'une acuité sidérante. Une chance est donnée à chaque détail, à chaque personnage, à chaque vie.
Construit en chapitres clairement définis, existences parallèles destinées à se redre, Gary le "bird people" américain dont les voyages d'affaires valent des millions, Audrey, femme de chambre par nécessité, étudiante sans doute, jeune femme à tête d'oiseau en plein âge des possibles, prête, comme Lady Chatterley, à tout découvrir.
Alors qu'on craint que le récit s'embourbe dans les explications de Gary, alors qu'on ne saisit pas encore qu'il nous faut ressentir cette pesanteur pour pleinement vivre la légèreté qui suit, le basculement dans le fantastique dont on attend la venue s'opère avec une évidence qui nous terrasse. Dès lors le film prend un envol magique. Le conte est merveilleux, les sensations bouleversantes, le bonheur absolu.
Bird people est un film somme, un instantané du monde, un récit puissamment intime et magnifiquement universel, une œuvre qui parle nécessairement à tout le monde et dit avec une simplicité désarmante ce que nous sommes.
La mise en scène est fluide mais très travaillée : mouvements subtils, recadrages audacieux, sublimes vues aériennes, signature d'une cinéaste au-dessus de la moyenne, une artiste qui ose et maîtrise, veut encore inventer, invente encore.
Il faut aussi évoquer l'ambiance sonore, la puissance des silences, la beauté transcendée de La javanaise et de Space oddity. Anaïs Demoustier est merveilleuse, Josh Charles parfait, Roschdy Zem d'une grande élégance.
Une scène centrale dit toute la générosité que Pascale Ferran : un jeune homme qui dessine, un oiseau pas comme les autres, le dialogue singulier qui s'installe entre eux, la magie du cinéma.
Bird people rend heureux.