Adaptation du fait divers des Lonely Hearts Killers, Alléluia a tout du retraitement à la française d’un pitch qui avait tout pour jouer la carte d’un polar glauque et sensationnel. Sur le modèle du plus récent La prochaine fois, je viserai le cœur, c’est par l’immersion et le choix du point de vue des criminels que l’atmosphère se met en place.
Servie par des comédiens habités, Laurent Lucas et Lola Dueñas, le climat oppressant oscille entre deux pôles : celui d’une ion amoureuse qui dégénère et de l’organisation crapuleuse d’escroqueries qui, elles aussi, finiront dans des bains de sang.
L’affaire en elle-même importe assez peu : banale histoire de séduction pour dépouiller des femmes ivre de solitude, elle fait dans un premier temps la part belle au Dom Juan un peu vampirique qu’est Michel, adepte d’une magie noire un peu perchée, mais dont la finalité reste avant tout vénale. La rencontre avec Gloria vient inverser la tendance : prenant à bras le corps ses rites, se précipitant dans l’amour ionnel qu’elle paie par le crime, elle dée rapidement son initiateur en matière de déraison.
Sur ce couple improbable se joue toute la dynamique malsaine du film : déterminer dans quelle mesure Michel est sincère avec Gloria, et s’il ne l’est pas, si c’est par calcul ou terreur.
Le gros grain de l’image, les horizons bouchés d’une campagne boueuse, éclairés çà et là de scènes sexuelles glauques, de danses chamaniques autour d’un feu composent un trajet en dent de scie, qui éprouve avec efficacité le spectateur.
On regrette cependant la linéarité du scénario, et sa structure très répétitive : d’une victime à l’autre, avec, toujours, le déchaînement de violence dû à la jalousie de Gloria. La mécanique tourne un peu à vide, et même si elle mime la spirale dans laquelle sont enfermés les amants criminels, on a le sentiment de se revoir servir la même séquence dans laquelle seule la victime serait nouvelle.
Il n’empêche : par sa capacité à diff sa folie noire, à nous entraîner dans l’ime de la ion, Alléluia est à la hauteur de ses ambitions : proposer le parcours original et prenant d’une transfiguration clivée.
(6.5/10)