Mathieu Bablet, ce nom résonne toujours un peu pour moi car en 2020, la découverte de Carbone et Silicium avait été une sorte de déclencheur. C'était alors le premier avec son univers, mais aussi avec le label 619, et c'était le début d’une belle aventure BD. En continuant à cre du côté du 619, j’ai alors pu découvrir des œuvres qui ont changé ma vision de la BD française, me donnant même envie d’explorer d’autres styles, ce que j’avais un peu délaissé avec les années.
Et pourtant, il m’a fallu cinq ans avant de me pencher sur Shangri-La. Pourquoi ? Honnêtement, il n’y a pas vraiment de raison. Peut-être que les graphismes m’intimidaient un peu. Ce ne sont pas les BD les plus faciles à appréhender, à mon sens. Mais je savais que, tôt ou tard, ça allait venir. Et voilà.
Dès le départ, on plonge dans un univers de science-fiction avec un world-building que j’ai trouvé vraiment soigné, fouillé, intelligent. La société imaginée, les visuels de cette colonie spatiale: tout est impressionnant. Si les dessins sont vraiment top, au début, j’ai toujours un peu de mal avec les visages chez Bablet, mais c’est presque un simple a priori, parce qu’en réalité, ça donne une vraie identité à son trait. Pour ceux et celles qui auraient du mal avec cet aspect, honnêtement, il faut juste faire l’effort de er le cap. Et ça va, on connaît plus compliqué comme effort.
Bon à part cette histoire de dessin, il y a aussi une histoire qui prend forme. Ce qui est intéressant, c’est la façon dont Bablet décrit non seulement les groupes d’individus, mais aussi la société dans son ensemble, ou plutôt une certaine frange de la société. À travers ces relations, on sent un vrai souci de rendre les dynamiques humaines avec justesse. J’avais déjà remarqué ça dans Shin Zero, où il construisait vraiment bien les groupes. Ici aussi, on suit un groupe qui se forme, et il y a une vraie justesse dans ses dialogues, dans la manière dont les relations se développent. Puis, l’intrigue commence à se poser. C’est un scénario solide, qui laisse entrevoir de belles choses, et j’aime vraiment la façon dont il est construit.
Et que dire de la façon dont il utilise cette colonie spatiale pour moquer notre société consumériste et ultra-connectée. Shangri-La date de 2015, une époque où la société était déjà bien dans ce virage, et dix ans plus tard, on est toujours dans la même dynamique, voire pire.
Là où se portent mes regrets, c’est sur la construction des personnages. J’aurais aimé qu’ils soient portés au même niveau que cette société basée sur le contrôle qui nous est présentée. La représentation des individus dans cet univers est quasi parfaite, malgré quelques raccourcis assez faciles, mais la place et la force des personnalités phares du titre me semblent un peu légères. Enfin, pas tant que ça dans l’absolu, mais face à la puissance de l’ensemble, ce point me paraît légèrement en retrait. C’est surtout que j’aurais adoré voir ces personnages plus développés, plus approfondis !
Avec un peu de recul voici ce que je vais en retenir : Shangri-La est une œuvre de science-fiction forte, portée par un scénario ultra-solide et des dessins d’une qualité indéniable. J’ai adoré la façon très détaillée dont la colonie spatiale est représentée : les idées de chambres capsules, l’architecture de cet univers fermé, et surtout les sorties dans l’espace, qui sont juste magnifiques. Maintenant, je n’ai qu’une hâte : aller emprunter Adrastée à la bibliothèque ! Et lire le tome 2 de Shinzero, mais il va falloir patienter encore un peu pour ça !