Ernest vient d’être placé dans une maison de retraite. Il y rencontre Emile, gouailleur et petit escroc, son compagnon de chambre et qui va devenir son ami, mais aussi toutes une galerie de personnages, parmi lesquels madame Simone qui veut tous les jours appeler ses enfants, Georgette et Marcel, qui a Alzheimer, ou Adrienne, qui subtilise différentes petites choses.
C’est une belle galerie de personnages doucement loufoques qui nous est présentée, et qui nous amait dans un autre cadre. Mais dans celui de la maison de retraite, le ton est plus dur et touchant. Par petites touches, Paco Roca arrive à transcrire l’humanité de ces personnes âgées, et les difficultés qu’ils traversent. Avec le sentiment d’arriver au bout de leur existence, mais en même temps l’envie de ne pas abandonner leur identité.
Cette humanité se retrouve chez Ernest, assez discret, un peu secret, qui découvre qu’il a la maladie d’Alzheimer. Avec l’aide d’Emile, il va tenter de la cacher à l’équipe médicale, afin de ne pas être transféré au deuxième étage, où les personnes sont atteintes plus lourdement. Il n’y a plus d’échappatoire, quiconque s’y retrouve est condamné, l’endroit est assimilé à un mouroir. Il faut r, pour vivre un peu mieux, quitte à mentir à l’institution ou à la maladie.
C’est un album plein de pudeur, où la dureté de l’affaiblissement physique et parfois mental des personnes âgées est évoquée sans être affirmée. Le ton est triste, mais pas larmoyant. Il émeut avec beaucoup de douceur. L’auteur s’est inspiré de rencontres, de visites dans des maisons de retraite et d’anecdotes de ses proches. Même s’il romance le tout, il est parfois surprenant d’apprendre à la fin que telle personne âgée a vraiment existé. L’œuvre de Paco Roca est empreinte d’un certain fatalisme mais permet aussi à ces hommes et femmes, trop souvent délaissés, de réaffirmer leur existence : ce sont des êtres vivants, pas des objets inutiles ou des chiffres de décès.
Respectons les et ne les oublions pas. En cas de fortes chaleurs, d’épidémies, ou à tout autre moment.
Si besoin en cas de piqure de rappel : visionner La Tête en l'air, son adaptation animée par Ignacio Ferreras, récompensée au Festival du film d'animation d'Annecy et aux Goyas.