Certains pourraient avoir tendance à l'oublier, mais Nick Spencer a construit son run Captain America sur deux personnages, avec Secret Empire comme conclusion les opposant. Ici, les deux mots fatidiques n'ont pas encore été prononcés, Spencer prend la suite d'un Remender qui avait fait beaucoup de bon travail mais sans ranger les jouets: Steve Rogers est vieux et le titre de Captain America est porté par Sam Wilson.
Dans un run éminemment politique, Spencer nous plonge d'entrée de jeux dans l'Amérique de Trump. Celle du mur au Mexique, des "patriotes" qui se font justice eux-mêmes contre les immigrés, des grands groupes pharmaceutiques intouchables, des médias malsains et d'une bourse financière folle. Dit ainsi, on pourrait croire avoir affaire à une tribune idéologique. Loin de là, car il s'agit d'une satyre, forçant grossièrement les traits, avec un humour très présent tout du long, regorgeant à chaque page de répliques et situations hilarantes. Pour autant, ces thèmes politiques et sociaux, les questionnements de citoyen et symbole habitent Sam et transpireront des pages durant l'ensemble du run. La génération qui les lira dans 20 ans aura du mal à percevoir le mal-être qu'avait l'Amérique au moment de l'élection de Trump, et l'audace du scénariste de s'engager aussi ouvertement à dépeindre l'atmosphère d'une époque dans une série de super-héros mainstream - tout autant que je rate l'ambiance guerre froide que certains comics des années 80 montraient - savoir et ressentir étant deux choses très différentes.
Je pourrais faire une critique plus longue mais je pense avoir dit l'essentiel. Tout l'intérêt est dans les thèmes traités, et l'évolution du héros se fait ici en réaction aux maux de la société, voire en réaction de la société aux agissements de Sam.
Autre point important à souligner: chaque réplique du chef de la société des serpents vaut son pesant d'or. Ou comment par l'art du décalage rendre ionnante une organisation de méchants complètement has-been!