Luthor
7.5
Luthor

Comics de Lee Bermejo (2016)

Quand le méchant prend le micro et qu’on se demande si Superman n’est pas un peu trop parfait

Avec Luthor, Brian Azzarello et Lee Bermejo offrent une plongée fascinante dans l’esprit de Lex Luthor, l’ennemi juré de Superman, et nous rappellent qu’il n’y a rien de plus captivant qu’un méchant qui a un bon avocat… ou une excellente ligne de défense. Ce récit sombre et introspectif nous montre que parfois, la ligne entre héros et vilain n’est qu’une question de perspective (et de communication bien huilée).


L’histoire nous invite à voir Superman à travers les yeux de Lex Luthor, qui le perçoit non pas comme un sauveur, mais comme une menace omnipotente. Luthor, dans toute sa complexité, se révèle ici sous un jour différent : visionnaire, calculateur, et peut-être même sincère. Mais est-il un héros incompris ou un maître manipulateur qui connaît simplement l’art de bien raconter sa version de l’histoire ?


Le personnage de Luthor est au centre de tout, et Azzarello le dépeint avec une profondeur remarquable. Lex est à la fois fascinant et détestable, un homme dont la soif de pouvoir semble motivée par un mélange de peur légitime et d’égoïsme sans bornes. Ce portrait nuancé nous pousse à remettre en question ce que nous pensions savoir sur l’éternel conflit entre le bien et le mal.


Visuellement, Lee Bermejo fait des merveilles. Son style hyperréaliste et ses jeux d’ombre et de lumière renforcent l’atmosphère oppressante et psychologique du récit. Superman, souvent représenté comme une figure lointaine et presque divine, contraste violemment avec le réalisme cru de Luthor et de son environnement. Chaque page est une œuvre d’art qui amplifie le sentiment de tension.


Narrativement, Azzarello fait preuve d’une maîtrise impressionnante. Les dialogues sont ciselés, mêlant philosophie et machiavélisme, et les monologues intérieurs de Luthor dévoilent un personnage aussi brillant que torturé. Cependant, l’absence d’un point de vue extérieur neutre peut donner l’impression que l’histoire est unilatérale, ce qui, ironiquement, est peut-être exactement ce que Luthor voudrait.


Le récit aborde des thèmes lourds comme la peur de l’autre, le pouvoir, et la responsabilité morale. Il pose la question : si Superman est un dieu parmi les hommes, qu’est-ce qui garantit qu’il ne se retournera jamais contre nous ? Une question que Luthor martèle avec une rhétorique si habile qu’on pourrait presque oublier qu’il a un agenda caché.


Cependant, ce focus intense sur Luthor peut donner l’impression que Superman est relégué à un rôle de toile de fond. Ceux qui espèrent une confrontation épique ou un approfondissement égal des deux personnages pourraient rester sur leur faim.


En résumé, Luthor est une œuvre brillante qui retourne le mythe de Superman pour offrir une perspective fascinante et dérangeante sur l’un de ses plus grands antagonistes. Avec un scénario incisif, un visuel époustouflant, et une réflexion subtile sur la nature du pouvoir et de la peur, Azzarello et Bermejo livrent une histoire qui résonne bien au-delà des pages. Un conte sombre et intelligent qui prouve que les méchants ont souvent les meilleures répliques.

8
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le 31 déc. 2024

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CinephageAiguise

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