Peyo, ou le talent fourvoyé
1964, Peyo compte parmi les auteurs majeurs du Le Cosmoschtroumpf et sa poétique dépression vaincue par la cohésion du clan.
Le Schtroumpfissime est leur première aventure en format album. Le rédacteur en chef de Spirou, Yvan Delporte, signe discrètement le scénario. Peyo dessine les personnages. Derib assure les décors et encre le tout. Le sujet est audacieux : en l’absence du vieux, les Schtroumpfs se disputent et décident d’élire son remplaçant. Le (futur) Schtroumpfissime se prend en jeu. En quelques jours, il découvre les travers de la démocratie directe : les promesses individuelles, les discours emphatiques et démagogiques, la tentation du pouvoir absolu, la dérive autoritaire, les alliés versatiles, les prodromes d’une guerre civile… Peyo nous offre une magnifique bataille rangée, la dernière de son œuvre. Il ne livrera plus de dessins de cette qualité. Ultime trouvaille, le village s’enrichit du Schtroumpf farceur et de son running gag.
Après… plus rien. Pourquoi ? Peyo s’est piégé avec cet univers (trop) clos. Hormis le Grand schtroumpf, ses personnages se caractérisent par un trait de personnalité : le costaud, le coquet, le béta, le grognon, le gourmand ou le farceur. Que faire de héros aussi stéréotypés ? Pirlouit était tour à tour colérique, courageux, naïf, imprudent et donc, pour notre plus grande joie, totalement imprévisible ! Les trop prévisibles lutins condamnent Peyo à la littérature enfantine.
NB. Roger Hargreaves développera le concept avec son Monsieur Chatouille en 1971, précurseur d’une prolifique œuvre pour enfants (100 millions d’exemplaires vendus à ce jour).