Jiro Taniguchi démontre une nouvelle fois sa capacité à dépeindre la société japonaise avec simplicité et talent tout en retrouvant ses thèmes de prédilections : déement de soi, culpabilité et critique sociale.
Patron du manga social depuis ses Un Zoo en Hiver, Quartier Lointain ou encore Journal de mon Père (que je n'ai pas encore lu d'ailleurs), il livre ici un portrait social superbe d'une jeunesse égarée mais pas seulement...En abordant, sans revers, le thème des "souteneurs", il tape fort sur une société japonaise pleine de "non-dits" qui ici se caractérisent par l'immoralité des pratiques de ses hommes qui au delà de profiter de l'hésitante adolescence de ses jeunes filles, en profitent surtout pour assouvir les fantasmes les plus amoraux.
Son ton est à la fois plein de détachement et violent car le manga aborde le sujet sans détour et nous entraine dans les entrailles de Shibuya avec une aisance que seul le dessin de Taniguchi peut permettre. Ici point de violence, point de grande scène et pourtant Le Sauveteur dégage une puissance et une facilité narrative impressionnante. C'est rudement bien écrit et excellemment bien rythmé entre la sphère familiale, le conflit avec la police, la découverte de Shibuya et le final aussi héroïque qu'improbable (mais dénonçant une forme d'impuissance devant la surpuissance de l'entreprise, montrant une forme d'impunité du riche et du puissant).
On retrouve en plus les thèmes chères avec cet alpiniste plein de culpabilité (décidément...) qui va tout faire pour sauver, ce qui est en quelque sorte, sa fille. Par sa promesse et le voeux de son camarade de montagne disparu, elle l'est.
De la critique sociale sans détour au roman aventurier teinté d'alpinisme, d'honneur et de culpabilité, Taniguchi livre une nouvelle fois un récit plein de sensibilité, d'amour et de talent. En dépeignant une nouvelle fois un morceau de société japonaise, il nous transporte dans un choc des générations. Le Sauveteur en serait presque sociologique tant le portrait semble juste, approprié et fin.