Après avoir détaillé les qualités de l'œuvre d’origine, il est intéressant de jeter un regard vers l’avant afin de voir si, encore aujourd’hui, l’icône de Dracula fascine toujours. Après tout, trente ans après le Dracula de Coppola (et seulement dix depuis celui de Dario Argento !), on est en droit de se demander ce qui pourrait encore être raconté sur le célèbre comte de Transylvanie, tant le mythe semble avoir été traité sous tous les angles.
Le dessinateur français George Bess, collaborateur de longue date d’Alejandro Jodorowsky depuis les sagas du Lama Blanc et Juan Solo, a peut-être un élément de réponse, caché dans les froides contrées des Carpates…
L’idée, avec sa bande dessinée, est d’offrir un hommage graphique soigné à l'œuvre originale, tout en sachant amputer les éléments datés, les lourdeurs (en effet, de l’aveu même de Bess, ayant découvert le roman dans la foulée avant de l’adapter, le roman était illisible, mal écrit et désuet ! ).
Adieu les longues tirades mièvres, les pérégrinations sans but, les échanges épistolaires artificiellement allongés... L’essentiel est ainsi préservé : les personnages et leurs tourments, et la prose exquise de Stoker. Avec un usage impressionnant du pinceau et de l’encre de Chine, Bess délivre un récit horrifique conjuguant la beauté du noir et blanc et l’effrayante menace de Dracula, toujours intacte tant de siècles après.
Il nous offre ce qui est sûrement la plus sublime lettre d'amour graphique au roman, avec un coup de pinceau rappelant les illustrations de Gustave Doré. Bess connaît les maîtres, et il s'en inspire au travers de longues doubles pages garnies de détails jusqu’au vertige afin de davantage cerner l’horreur qu’inspire le comte Dracula pour le monde entier.
Comment ne pas voir quelle menace il représente, quand Bess lui appose des traits à la fois bestial et mystique, et qu’il lui confère une aura menaçante digne des plus grands fléaux de notre temps ?