Depuis – au moins – le film The Incredible Shrinking Man (1957) de Jack Arnold, on connaît le potentiel narratif, fantastique ou comique, du rétrécissement extrême de personnages, qui se trouvent devoir survivre dans un univers familier devenu une méconnaissable, où des choses anodines de la vie quotidienne deviennent des menaces terrifiantes. On pouvait donc attendre le meilleur de l’adaptation de ce concept fécond dans l’univers du Donjon, précipitant Marvin et Herbert dans le monde de l’infiniment (ou presque) petit, là où les monstres sont bien différents.
L’histoire de Micro-héros démarre plutôt bien : alors qu’un énorme dragon très dangereux s’approche du Donjon et risque de le détruire, Herbert et Marvin sont réduits à une taille microscopique par une fausse manœuvre d’Alcibiade, d’ailleurs coutumier du fait. Il s’agit alors pour le Gardien de retrouver ses deux meilleurs guerriers le plus vite possible, alors qu’ils ont désormais la taille d’une tête d’épingle, et qu’ils peuvent se trouver n’importe où dans le Donjon !
Si l’aventure débute donc de façon conventionnelle avec des fourmis menaçantes, Sfar et Trondheim forcent rapidement le trait, et plongent joyeusement dans une bouffonnerie pas trop fine, en injectant nos « micro-héros » dans le nez, puis dans la morve verdâtre de Grogro ! A partir de là, on ne peut pas dire que l’on se ionne pour le destin de Marvin et Herbert, dont on sait bien, évidemment – et c’est la limite de la branche Parade, située entre le Tome 1 et le Tome 2 du Donjon Zénith – qu’il ne pourra rien leur arriver de grave. Les péripéties farfelues s’enchaînent, jusqu’à une conclusion largement bâclée (un problème récurrent dans le Donjon) : « comment se débarrasser d’un dragon-zombie ? » était pourtant un problème intéressant, mais on ne peut pas dire que la solution de Sfar et Trondheim soit particulièrement stimulante, ni même logique…
Si l’on se sent bienveillant, on pourra bien rire en lisant Micro-héros, mais si l’on est d’humeur plus chafouine, on pourra aussi remarquer que le dessin bien rond d’Ohm, s’il fait preuve d’une indéniable originalité, donne des résultats variables : certaines planches, presque dans un esprit manga, sont plutôt belles, tandis que d’autres nous paraissent er complètement à côté de l’esprit du Donjon, tout en privant de vie des personnages ici plus caricaturaux qu’attachants.
Un volume en dessous de nos attentes. Mais pas de souci, les deux prochains tomes de Donjon Parade sont pour bientôt !
[Critique écrite en 2025]
https://www.benzinemag.net/2025/05/09/donjon-parade-tome-10-micro-heros-au-royaume-des-bouffonneries/