Blancs-visages - Terres d'Ogon, tome 2
7.6
Blancs-visages - Terres d'Ogon, tome 2

BD franco-belge de Alex Sierra (2023)

Le prix de la puissance



- On t'a enfin retrouvé, vieux fou ! C'est bien mon vieux maître ou plutôt ce qu'il en reste… Les Dagdars l'ont pas raté !
- Tu crois que ce sont eux qui ont volé le Maître Masque, O'Toxo ?
- Je n'en sais rien… Mais si le sortilège continuait d'animer ces cadavres, c'est que l'énergie du Maître Masque n'a pas été dissipée… Et donc qu'il a trouvé un nouvel hôte… Il est parti vers l'Est…
- On va les suivre jusqu'où, tes piafs, O'Toxo ?
- Jusqu'aux confins d'Ogon s'il le faut, Bumta. Tant qu'on aura pas retrouvé le Maître Masque, la traque continuera. Et quand on aura enfin mis la main sur le porteur… Je l'écorcherai vif pour avoir volé mon héritage !



Possédée par le pouvoir



Avec Terres d’Ogon : "Blancs-Visages", deuxième aventure se déroulant dans les mystérieuses terres d’Ogon, un nouveau chapitre s’ouvre dans l’univers en pleine expansion des Terres d’Aquilon. Ce vaste territoire, séparé des Terres d’Arran par le Mur d’Ar Theker, s’enrichit ici d’un nouveau souffle narratif. Jean-Luc Istin e le relais à Nicolas Jarry, un autre ponte de cette licence, qui apporte sa propre touche à cet univers déjà foisonnant d’imaginaire et de culture. Dans ce tome, l’auteur nous plonge au cœur d’un nouveau clan, celui des Blancs-Visages, à travers le destin tumultueux de la jeune Itomë, traquée par un peuple cannibale : les Dents-Limées. Ces derniers chassent depuis des générations les Blancs-Visages, persuadés que leur chair renferme un pouvoir surnaturel. La fuite d’Itomë la mène sur un ancien champ de bataille oublié, qui n'est plus qu'un vestige des affrontements entre les Raka-Rongo du Massaly et les Dagdars du Morongo, aujourd’hui réduit à un sinistre charnier. C’est là qu’elle découvre un masque ancien, qu’elle enfile malgré elle, basculant aussitôt dans le monde des esprits. Elle y rencontre un sorcier spectral qui scelle un pacte avec elle et lui confère de redoutables pouvoirs, lui permettant d’échapper à ses poursuivants. Mais ce don a un prix ! En effet, plus Itomë recourt à cette force, plus le masque s’empare d’elle, menaçant de la consumer entièrement. Bannie pour avoir utilisé ce pouvoir interdit pour sauver son petit frère, Itomë est contrainte de quitter son village pour redre Massaka, la mythique Terre des Sorciers, où elle devra briser le lien qui l’unit à l’esprit du masque. Comme pour Kulu, héros du premier tome des Terres d'Ogon : "Zul-Kassaï", elle se retrouve, malgré son jeune âge et son inexpérience, embarquée dans une quête initiatique périlleuse. Elle est épaulée par deux personnages hauts en couleur, formant une compagnie d’aventuriers aussi disparate qu’attachante prêt à affronter les dangers. Et, il y en a beaucoup, pour mon plus grand plaisir.



Ce nouveau chapitre se dresse comme une haletante course-poursuite, menée tambour battant, reposant sur une mécanique scénaristique d’une redoutable efficacité. On replonge avec ferveur dans les Terres d’Ogon en tant que déclinaison africaine, version heroic fantasy, tout droit sorti de l’univers des Terres d’Arran. À travers le périple de la jeune Itomë, on traverse une partie du Pumaranga, direction la Forêt d'Ebo et de Kyngara, jusqu’au Massaka, la fameuse Terre des Sorciers. On découvre avec plaisir une multitude de décors exotiques entre jungles luxuriantes, temples oubliés et ruines chargées de mystère. Cela amène une ambiance m'évoquant parfois celle d’un Indiana Jones en mode univers mystique et tribal. Un terrain de jeu idéal pou y accueillir une action trépidante à coup de bravoure et d'humour bien dosé, à quoi s'ajoute une bonne tension dramatique, le tout ponctué de scènes de violence graphique qui renforcent l'intensité du récit. A cela s'ajoute une construction narrative intelligente, s'intéressant d'abord au développement d’Itomë, sans pour autant surplenter le reste. Son périple pour la vie devient peu à peu une quête identitaire et initiatique. Un chemin de survie qui s’apparente à une véritable émancipation. Ce qui séduit, c’est que cette émancipation ne e ni par un rejet du masculin, ni par une glorification simpliste de l’individualisme forte et indépendante. Avec son terrible pouvoir, Itomë choisit bien entendu de ne pas s’effacer, mais elle ne tourne pas le dos aux autres pour autant. Au contraire, elle tisse des liens profonds et refuse de ne vivre que pour elle-même car elle trouve en ses compagnons une nouvelle famille. Parmi ceux-ci, on dévoile Djo-Djo, un jeune Dents-Limées qui me fait bien fait rire, et dont l'amitié inattendue avec Itomë apporte une belle dynamique d'adversité et de complicité. Là où tout les opposait au départ puisque son clan dévore celui d'Itomë, ils deviennent un duo dynamique auquel on s'attache sans mal. À leurs côtés il y a Tora’n, un centaure-girafe qui incarne à la fois la sagesse et la puissance. Il est une figure tutélaire qui complète à merveille cette petite troupe, formant un trio aussi improbable qu’attachant. Parmi les menaces principales, ils sont traqués par O’Toxo, un sorcier maléfique issu du clan des Raka Rongo, sorte d’équivalent africain des orcs. Il rêve de mettre la main sur la plus grande menace qui n'est autre que l’esprit du Maître Masque, entité aussi puissante que corruptrice, dont l’ombre plane habilement sur l’ensemble du récit.




Ce qui amuse dans ce tome, c’est qu’il pourrait presque er pour un volet de la série Mages des Terres d’Arran, tant la thématique de la magie y est centrale. Les antagonistes sont en effet des sorciers orcs, mais Itomë elle-même embrasse une forme de sorcellerie bien différente de celle qu’on connaît dans les autres territoires d’Aquilon. Ce qui rend cette approche particulièrement intéressante, c’est la manière dont la magie est perçue dans la culture des Blancs-Visages. Elle est considérée comme l’une des sept filles de l’esprit-malheur. La magie incarne un mal corrupteur, une voie interdite synonyme de damnation. Cette représentation sombre rappelle que, dans tout le monde d’Aquilon, la magie reste souvent synonyme de rejet ou de peur, et que les sorciers qu’ils soient d’Ogon ou d’Arran doivent porter un fardeau bien lourd. Ce parti pris confère à ce tome une ambiance électrique, nourrie de tensions, de scènes de violence marquantes et de nombreux rebondissements qui rendent la lecture particulièrement prenante. D'ailleurs cette aventure ne ménage pas ses effets, entre les affrontements contre les redoutables Yumboes, des petites créatures écarlates aussi féroces que téméraires, et les combats contre les terribles Gorilles, l’action ne faiblit jamais. Visuellement, l’album est une vraie réussite. Porté par la mise en couleur experte de J. Nanjan, familier de l’univers, le trait dynamique d’Alex Sierra capte avec brio la brutalité et la beauté des Terres d’Ogon. Déjà remarqué pour son travail sur le tome 10 d’Orcs et Gobelins : "Dunnrak", ainsi que sur les storyboards du tome 6 de Mages : "Yoni", il confirme ici toute l’étendue de son talent en livrant une fresque puissante, rythmée et visuellement palpitante.



CONCLUSION :



Terres d’Ogon, tome 2 : "Blancs-Visages", est un album efficace dans lequel on continue d’étoffer brillamment ce nouvel espace narratif au sein des Terres d’Aquilon via les Terres d’Ogon. Découle une épopée fantasy parvenant à faire sensation grâce à un récit rythmé, riche en actions et en tensions dramatiques, ainsi que des décors exotiques de qualité et des personnages de caractère.



Une confirmation de l'utilité à développer la carte d'Aquilon.



- Je ne te laisserai pas dévorer mon âme…
- Je pourrais te tuer, là, maintenant.
- Je ne crois pas. Tant que je ne fais pas appel à toi, tu ne peux pas m'atteindre…
- Tôt ou tard, tu convoiteras mon pouvoir… Car une fois qu'on y a goûté, on ne peut y renoncer. Il t'embrase le corps et l'esprit…
- C'est faux !
- Qui crois-tu tromper ? Tu ressens des choses qu'aucun Blanc-Visage n'a jamais ressenties… Tu perçois le monde différemment, avec plus d'intensité et de plaisir… Ta peur a disparu… Ce pouvoir que tu prétends rejeter, il t'a déjà tranformée en profondeur. Tu es devenue plus forte et tu aimes ça…



8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 1 mai 2025

Critique lue 29 fois

17 j'aime

6 commentaires

Critique lue 29 fois

17
6

D'autres avis sur Blancs-visages - Terres d'Ogon, tome 2

Du même critique

Joker
10

INCROYABLE !!!

La vie est une comédie dont il vaut mieux rire. Sage, le sourire est sensible ; Fou, le rire est insensible, la seule différence entre un fou rire et un rire fou, c’est la camisole ! Avec le Joker...

le 5 oct. 2019

174 j'aime

143

...Il était une fin !

Quel crime ai-je commis avant de naître pour n'avoir inspiré d'amour à personne. Dès ma naissance étais-je donc un vieux débris destiné à échouer sur une grève aride. Je retrouve en mon âme les...

le 7 oct. 2021

139 j'aime

123