Ghost est de plus en plus scruté ces dernières années, de par sa popularité grimpante, avec comme apothéose le succès immense de Mary on a Cross sur le réseau TikTok, ayant définitivement ouvert le groupe à un public beaucoup plus large.
Cette trend plutôt récente est venue enfoncer le clou planté par une frange importante des fans de la première heure du groupe, de plus en plus déçue de la trajectoire prise par le projet, en particulier lors des sorties de Prequelle ou d’Impera.
J’étais de mon côté plutôt enthousiaste de voir ce projet évoluer, ne pas rester sur ses acquis et proposer quelque chose de différent à chaque fois. Mais Skeleta a pour moi marqué un coup d’arrêt.
Ce n’est pas tant le contenu de l’album, pas le plus inspiré mais pas non plus mauvais, qui me dérange, mais principalement les quelques éléments suivants, qui peuvent d’ailleurs être reliés, et qui viennent quelque peu ternir mon appréciation :
1. La dimension album, qui s’était un poil effritée sur Impera mais qui tenait encore debout (présence d’un contexte historique, d’un leitmotiv…), s’est perdue sur celui-ci. Un des tours de force de Ghost était de parvenir à créer de la cohérence dans ses albums via une idée, une histoire, qui agissaient comme fil rouge de chaque album, tout en réussissant dans le lot à en sortir deux-trois « tubes », que l’auditeur non engagé dans l’oeuvre complète pouvait très facilement apprivoiser et dont il pouvait s’imprégner. Skeleta, dépourvu de cette première logique, rompt avec cette tradition, ce qui donne moins de consistance au disque pris dans son ensemble par rapport à ses prédécesseurs ;
2. Je trouve que « l’identité » Ghost s’est perdue. Contrairement aux réfractaires mentionnés en tout début de critique, je ne parle pas ici de l’évolution purement musicale du groupe depuis Opus Eponymous, qui je trouve n’est ni inintéressante à proprement parler, ni illogique d’un point de vue commercial vu la dimension prise par le projet. Mais là ou Forge avait réussi, après l’unmasking, à maintenir la crédibilité du projet et de son imagerie satanique/gothique, ce dernier album tranche complètement puisqu’il se détache des thèmes initiaux et aborde principalement en direct des sujets plus communs (l’amour, l’espoir, la mort…). Considérant que Ghost est le projet de Forge et qu’il en fait ce qu’il veut : pourquoi pas… mais pourquoi conserver le masque ?
3. On sent une évolution depuis Impera beaucoup moins nette qu’entre leurs précédents albums. Peut-être que cela s’explique en partie par le fait que l’album soit composé de morceaux ayant probablement été composé sur la période d’enregistrement du dernier ? Cela se sent particulièrement sur Satanized (et je crois d’ailleurs que cela a été confirmé par Forge lui-même) ou encore sur Peacefield, qui par son thème donne l’impression d’avoir été composé comme potentiel morceau d’ouverture finalement non retenu d’Impera. Dans une même logique, Excelsis ressemble en tous points à un retravail du concept de Life Eternal (position dans l’album, thème, ambiance générale…) avec un peu plus de lumière.
4. J’ai la sensation que l’inspiration prise par Forge sur ses groupes et projets de référence (Def Leppard, Black Sabbath…) s’est transformée en une obsession à devoir pondre un album de rock 80s. Au début, ça fonctionne, et puis au bout d’un moment ça devient un peu répétitif. En résulte l’impression d’un son un peu daté et peu diversifié (pour caricaturer : des compositions d'arena rock avec une ou deux ballades plus légères pour digérer). Frustrant.
Pour le reste et pour contrebalancer le propos jusqu’ici un peu sévère sûrement, l’album reste plutôt agréable et assez fluide à écouter avec des compositions assez directes et accrocheuses. Certaines frustrent malheureusement par leur manque de progression et restent ainsi un peu plates malgré des thèmes musicaux sympas (Cenotaph, Guiding Lights).
Les principales réussites sont peut-être les trois singles sortis avant l’album, ce qui induit peut-être un biais et accentue la déception finale. A cet égard, Lachryma, d’une efficacité redoutable avec son riff méchant, ses synthés et son ambiance de film d’horreur bien kitsch, est sans contestation l’un des tous meilleurs morceaux du groupe, si ce n’est le meilleur.
5/10